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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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répondit Ulenspiegel, vous n’avez point
un visage de mauvaise débitrice, j’y vois au contraire, une bonne
foi si grande tant de loyauté et d’amour du prochain, que vous me
payeriez plutôt dix-huit florins que de m’en refuser six que vous
me devez. Les beaux yeux ! c’est le soleil qui darde sur moi,
y faisant pousser l’amoureuse folie plus haut que le chiendent en
un clos abandonné.
    L’hôtesse répondit :
    – Je n’ai que faire de ta folie ni de ton chiendent ; paye
et va-t’en.
    – M’en aller, dit Ulenspiegel, et ne plus te voir !
J’aimerais mieux trépasser tout de suite. Baesine, douce baesine,
je n’ai point l’habitude de manger pour six florins, moi, pauvre
petit homme vaquant par monts et par vaux ; je me suis
empiffré et vais bientôt tirer la langue comme un chien au
soleil : daignez me payer, je gagnai bien les six florins par
le rude labeur de mes mâchoires ; donnez-les moi et je vous
caresserai, baiserai, embrasserai avec une si grande ardeur de
reconnaissance, que vingt-sept amoureux ne pourraient, ensemble,
suffire à pareille besogne.
    – Tu parles pour de l’argent, dit-elle.
    – Veux-tu que je te mange pour rien ? dit-il
    – Non, dit-elle, se défendant contre lui.
    – Ah ! soupirait-il la poursuivant, ta peau est comme de la
crème, tes cheveux comme du faisan doré à la broche, tes lèvres
comme des cerises ! En est-il une plus friande que
toi ?
    – Il te sied bien, vilain méchant, dit-elle en souriant, de
venir encore me réclamer six florins. Sois heureux que je t’aie
nourri gratis sans rien te demander.
    – Si tu savais, dit Ulenspiegel, comme il y a encore de la
place !
    – Pars ! dit l’hôtesse, avant que mon mari ne vienne.
    – Je serai doux créancier, répondit Ulenspiegel, donne-moi
seulement un florin pour la soif future
    – Tiens, dit-elle, mauvais garçon.
    Et elle le lui donna.
    – Mais me laisseras-tu revenir ? lui demanda
Ulenspiegel.
    – Veux-tu bien t’en aller, dit-elle.
    – Bien m’en aller, dit Ulenspiegel, ce serait aller vers toi
mignonne, mais c’est mal m’en aller que de quitter tes beaux yeux.
Si tu daignes me garder, je ne mangerai plus que pour un florin
tous les jours.
    – Faudra-t-il un bâton ? dit-elle.
    – Prends le mien, répondit Ulenspiegel Elle riait, mais il dut
partir.

LVI
     
    Lamme Goedzak, en ce temps-là, vint de nouveau demeurer à Damme,
le pays de Liége n’étant point tranquille à cause des hérésies. Sa
femme le suivit volontiers parce que les Liégeois, bons gausseurs
de leur nature, se moquaient de la débonnaireté de son homme.
    Lamme allait souvent chez Claes qui, depuis qu’il avait hérité
hantait la taverne de la
Blauwe-Torre
et s’y était choisi
une table pour lui et ses compagnons. À la table voisine se
trouvait, buvant chichement sa demi-pinte, Josse Grypstuiver,
l’avare doyen des poissonniers, ladre, chichard, vivant de
harengs-saurs, aimant plus l’argent que le salut de son âme. Claes
avait mis dans sa gibecière le morceau de parchemin sur lequel
étaient écrits ses dix milles ans d’indulgences.
    Un soir qu’il était à la
Blauwe-Torre
, en la compagnie
de Lamme Goedzak, de Jan van Roosebeke et de Mathys van Assche,
Josse Grypstuiver étant présent, Claes chopina très bien, et Jan
Roosebeke lui dit :
    – C’est pécher que de tant boire.
    Claes répondit :
    – On ne brûle qu’un demi-jour pour une pinte de trop. Et j’ai
dix mille ans d’indulgence en ma gibecière. Qui en veut cent afin
de pouvoir se noyer sans crainte l’estomac ?
    Tous crièrent :
    – Combien les vends-tu ?
    – Une pinte, répondit Claes, mais j’en donne cent cinquante pour
une
muske conyn
, – c’est une portion de lapin.
    Quelques buveurs payèrent à Claes qui une chopine, qui du
jambon, il leur coupa à tous une petite bande de parchemin. Ce ne
fut point Claes qui mangea et but le prix des indulgences, mais
Lamme Goedzak, lequel mangea tant qu’il gonflait à vue d’œil,
tandis que Claes débitant sa marchandise allait et venait dans la
taverne.
    Grypstuiver tournant vers lui son aigre trogne :
    – En as-tu pour dix jours ? dit-il.
    – Non, répondit Claes, c’est trop difficile à couper.
    Et chacun de rire, et Grypstuiver de manger sa colère.
    Puis Claes s’en fut en sa chaumine, suivi de Lamme, cheminant
comme s’il eût eu des jambes de laine.

LVII
     
    Vers la fin de sa troisième année de bannissement Katheline
rentra à Damme en son

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