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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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vide, ne
te plains point ; dolentes entrailles, ne gargouillez pas
davantage. Où te caches-tu, fortune propice ? mène-moi vers
l’endroit où est la pature.
    Tandis qu’il se parlait ainsi à lui-même, le ciel s’éclaircit au
soleil qui brilla, la grêle cessa et Ulenspiegel dit :
    – Bonjour, soleil, mon seul ami, qui viens pour me
sécher !
    Mais il courait toujours, ayant froid. Soudain il vit venir de
loin sur le chemin un chien blanc et noir courant tout droit devant
lui, la langue pendante et les yeux hors de la tête.
    – Cette bête, dit Ulenspiegel, a la rage au ventre ! – Il
ramassa à la hâte une grosse pierre et monta sur un arbre :
comme il en atteignant la première branche, le chien passa et
Ulenspiegel lui lança la pierre sur le crâne. Le chien s’arrêta et
tristement et raidement voulut monter sur l’arbre et mordre
Ulenspiegel, mais il ne le put et tomba pour mourir.
    Ulenspiegel n’en fut pas joyeux, et bien moins lorsque,
descendant de l’arbre, il s’aperçut que le chien n’avait pas la
gueule sèche ainsi que l’ont de coutume ses pareils atteints de
malerage. Puis, considérant sa peau, il vit qu’elle était belle et
bonne à vendre, la lui enleva, la lava, la pendit à son épieu, la
laissa se sécher un peu au soleil, puis la mit dans sa
gibecière.
    La faim et la soit le tourmentant davantage, il entra dans
plusieurs fermes, n’osa y vendre sa peau, de crainte qu’elle ne tût
celle d’un chien ayant appartenu au paysan. Il demanda du pain on
le lui refusa. La nuit venait. Ses jambes étaient lasses, il entra
dans une petite auberge. Il y vit une vieille
baesine
qui
caressait un vieux chien tousseux dont la peau était semblable à
celle du mort.
    – D’où viens-tu, voyageur, lui demanda la vieille
baesine
.
    – Je viens de Rome, où j’ai guéri le chien du Pape d’une pituite
qui le gênait extraordinairement.
    – Tu as donc vu le Pape ? lui dit-elle en lui tirant un
verre de bière.
    – Hélas ! dit Ulenspiegel vidant le verre, il m’a seulement
été permis de baiser son pied sacré et sa sainte pantoufle.
    Cependant le vieux chien de la
baesine
toussait et ne
crachait point.
    – Quand fis-tu cela ? demanda la vieille.
    – Le mois avant-dernier, répondit Ulenspiegel, j’arrivai, étant
attendu, et frappai à la porte « Qui est là ? demanda le
camérier archicardinal, archisecret, archiextraordinaire de Sa Très
Sainte Sainteté. – C’est moi, répondis-je, monseigneur cardinal,
qui viens de Flandre expressément pour baiser le pied du Pape et
guérir son chien de la pituite. – Ah ! c’est toi,
Ulenspiegel ? dit le Pape parlant de l’autre côté d’une petite
porte. Je serais bien aise de te voir, mais c’est chose impossible
présentement. Il m’est défendu par les saintes Décrétales de
montrer mon visage aux étrangers quand on y passe le saint rasoir.
– Hélas ! dis-je, je suis bien infortuné, moi qui viens de si
lointains pays pour baiser le pied de Votre Sainteté et guérir son
chien de la pituite. Faut-il m’en retourner sans être
satisfait ? – Non, dit le Saint-Père ; puis je l’entendis
criant :
    – Archicamérier, glissez mon fauteuil jusqu’à la porte et ouvrez
le petit guichet qui est au bas. Ce qui se fit. – Et je vis passer
par le guichet un pied chaussé d’une pantoufle d’or, et j’entendis
une voix, parlant comme un tonnerre, disant : « Ceci est
le pied redoutable du Prince des Princes, du Roi des Rois, de
l’Empereur des Empereurs. Baise, chrétien, baise la sainte
pantoufle. » Et je baisai la sainte pantoufle, et j’eus le nez
tout embaumé du céleste parfum qui s’exhalait de ce pied. Puis le
guichet se referma, et la même redoutable voix me dit d’attendre.
Le guichet se rouvrit et il en sortit, sauf votre respect, un
animal au poil pelé, chassieux, tousseux, gonflé comme une outre et
forcé de marcher les pattes écartées, à cause de la largeur de sa
bedaine. Le Saint-Père daigna parler encore :
    – Ulenspiegel, dit-il, tu vois mon chien ; il fut pris de
pituite et d’autres maladies en rongeant des os d’hérétiques
auxquels on les avait rompus. Guéris-le, mon fils : tu t’en
trouveras bien.
    – Bois, dit la vieille.
    – Verse, répondit Ulenspiegel. Poursuivant son propos : Je
purgeai, dit-il, le chien à l’aide d’une boisson mirifique par
moi-même composée. Il en pissa pendant trois jours et trois nuits,
sans cesse, et fut

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