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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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étaient d’énormes
araignées, des crapauds à trompe d’éléphant, des serpents
entrelacés, des crocodiles debout sur la queue et tenant un groupe
d’esprits dans la gueule, des serpents qui portaient plus de trente
nains et naines assis à califourchon sur leur corps ondoyant, et
bien cent mille insectes plus grands que des Goliaths, armés
d’épées, de lances, de faux dentelées, de fourches à sept
fourchons, de toutes autres sortes d’horribles engins meurtriers.
Ils s’entre-battaient avec grand vacarme, le fort mangeant le
faible, s’en engraissant et montrant ainsi que Mort est faite de
Vie et que Vie est faite de Mort.
    Et il sortait de toute cette foule d’esprits grouillante,
serrée, confuse, un bruit pareil à celui d’un sourd tonnerre et de
cent métiers de tisserands, foulons, serruriers travaillant
ensemble.
    Soudain parurent les esprits de la sève, courts, trapus, ayant
les reins larges comme le grand tonneau d’Heidelberg, des cuisses
grosses comme des muids de vin, et des muscles si étrangement forts
et puissants que l’on eût dit que leurs corps fussent faits d’œufs
grands et petits joints les uns aux autres et couverts d’une peau
rouge, grasse, luisante comme leur barbe rare et leur rousse
chevelure ; et ils portaient d’immenses hanaps remplis d’une
liqueur étrange.
    Quand les esprits les virent venir, il y eut parmi eux un grand
trémoussement de joie ; les arbres, les plantes s’agitèrent,
et la terre se crevassa pour boire.
    Et les esprits de la sève versèrent le vin : tout,
aussitôt, bourgeonna, verdoya, fleurit ; le gazon fut plein
d’insectes susurrants et le ciel rempli d’oiseaux et de
papillons ; les esprits versaient toujours, et ceux d’en bas
reçurent le vin comme ils purent : les filles-fleurs, ouvrant
la bouche ou sautant sur leurs roux échansons, et les baisant pour
avoir davantage ; d’aucuns joignant les mains en signe de
prière ; d’autres qui, béats, laissaient sur eux
pleuvoir ; mais tous avides ou altérés, volant, debout,
courant ou immobiles, cherchant à avoir le vin, et plus vivants à
chaque goutte qu’ils en pouvaient recevoir. Et il n’y avait point
là de vieillards, mais, laids ou beaux, tous étaient pleins de
verte force et de vive jeunesse.
    Et ils riaient, criaient, chantaient en se poursuivant sur les
arbres comme des écureuils, dans l’air comme des oiseaux chaque
mâle cherchant sa femelle et faisant sous le ciel de Dieu l’œuvre
sainte de nature.
    Et les esprits de la sève apportèrent au roi et à la reine la
grande coupe pleine de leur vin. Et le roi et la reine burent et
s’embrassèrent.
    Puis le roi, tenant la reine enlacée, jeta sur les arbres, les
fleurs et les esprits, le fond de sa coupe et s’écria :
    – Gloire à la Vie ! gloire à l’Air libre ! gloire à la
Force !
    Et tous s’écrièrent :
    – Gloire à Nature ! gloire à la Force !
    Et Ulenspiegel prit Nele dans ses bras. Etant ainsi enlacés une
danse commença ; danse tournoyante comme les feuilles que
rassemble une trombe, où tout était en branle, arbres, plantes,
insectes, papillons, ciel et terre, roi et reine, filles-fleurs,
empereurs des mines, esprits des eaux, nains bossus, princes des
pierres, hommes des bois, porte-lanternes, esprits protecteurs des
étoiles, et les cent mille horrifiques insectes entremêlant leurs
lances, leurs faux dentelées, leurs fourches à sept fourchons danse
vertigineuse, roulant dans l’espace qu’elle remplissait, danse à
laquelle prenaient part le soleil, la lune, les planètes les
étoiles, le vent, les nuées.
    Et le chêne auquel Nele et Ulenspiegel s’étaient accrochés
roulait dans le tourbillon, et Ulenspiegel disait à Nele :
    – Mignonne, nous allons mourir.
    Un esprit les entendit et vit qu’ils étaient mortels :
    – Des hommes, cria-t-il, des hommes en ce lieu !
    Et il les arracha de l’arbre et les jeta dans la foule.
    Et Ulenspiegel et Nele tombèrent mollement sur le dos des
esprits, lesquels se les renvoyaient les uns aux autres
disant :
    – Salut aux hommes ! bienvenus les vers de terre ! Qui
veut du garçonnet et de la fillette ? Ils nous viennent faire
visite, les chétifs.
    Et Ulenspiegel et Nele volaient de l’un à l’autre
criant :
    – Grâce !
    Mais les esprits ne les entendaient point, et tous deux
voltigeaient, les jambes en l’air, la tête en bas, tournoyant comme
des plumes au vent d’hiver, pendant que les

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