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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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poissons que nous n'avions pu dévorer. Entre-temps, notre train était reparti, et nous n'avions même pas vu dans quelle direction. Nous en trouvâmes un autre, cependant, sous la forme d'un convoi chargé de camions et de munitions. Il y avait neuf chances sur dix pour qu'il fût préparé à destination de front.
    Ce fut alors, et seulement alors, que je me rendis pleinement compte que je retournais au front. Jusque-là, je n'avais jamais pris le temps d'y réfléchir, mais ces caisses de munitions étaient un sacré pense-bête. Je retournais au front ! Avant ça, je n'avais eu qu'une seule idée : fuir la Russie, l'Union Soviétique étant pour moi une terre d'embûches. Mais si je tenais véritablement à sauver ma peau, était-ce le front que je devais regagner ? L'avant-garde de toutes les attaques et l'arrière-garde de toutes les retraites ? Le paradoxe était déprimant. 
    Pourquoi la vie était-elle aussi stupide ? Autant me flanquer tout de suite une balle dans la tête ! Chose étrange, inexplicable, je me sentais encore beaucoup plus déprimé que lorsqu'un autre train m'avait arraché aux bras d'Ursula, à la fin de ma permission. Peut-être cette permission représentait-elle, justement, une période de ma vie parfaitement heureuse et satisfaisante en elle-même, au point de m'imprégner du sentiment réconfortant que si l'existence ne devait plus jamais me réserver le moindre bonheur, j'aurais connu, tout au moins, celui-là ? Alors qu'ici, en U.R.S.S., je n'avais rien connu qui constituât en substance une expérience complète et satisfaisante. 
    J'avais erré en fugitif dans cet immense pays, solitaire et traqué mais aussi plus d'une fois secouru, et tout au fond de ma souffrance personnelle, l'U.R.S.S. m'avait montré combien le monde était vaste, coloré, riche en possibilités d'aventure. J'avais entrevu quelque chose qui existait, dans le temps et l'espace, sur une échelle infiniment plus vaste que la petite Allemagne à présent cernée, en bonne voie de strangulation. J'avais fait superficiellement la connaissance d'une entité plus complexe qu'une femme, portée par un tapis volant aux nuances innombrables, digne des Mille et Une Nuits. Sans hésitation, elle m'avait donné ce qu'elle possédait, et je la savais à même de me donner toujours davantage.
    Mais jamais cette rencontre miraculeuse ne pourrait se reproduire dans les mêmes conditions. Une nation gigantesque allait refermer ses portes derrière moi, au terme d'une brève visite. J'avais une envie folle de revenir sur mes pas, d'aller retrouver ces dangers, ces surprises, cette danse sur un volcan. De rechercher ma princesse afin de terminer vraiment mon aventure.
    Peut-être ai-je été stupide de ne pas le faire ? Il aurait fallu que je sois fou pour agir ainsi ; mais il fallait aussi que je sois fou pour réintégrer l'étrange « sécurité » d'un tank de première ligne. Ayant rompu les ponts avec le monde précaire que j'avais édifié autour de moi, j'avais le choix entre un retour probable aux geôles russes et ma place réservée dans un char d'assaut allemand. Curieux choix en vérité. Je pourrais peut-être, avec beaucoup de chance, me tenir à l'écart des geôles russes. Je ne couperais pas au tank allemand. En réalité, d'ailleurs, il y avait belle lurette que je n'avais plus aucun choix. J'étais engagé dans un engrenage sans fin qui me broierait jusqu'au bout. Retrouverais-je seulement Porta, le Vieux et les autres ? Reverrais-je un jour Ursula ?
    Nous nous embarquâmes dans le train de munitions avec une caisse de poisson cru. Le convoi démarra, prit sa vitesse de route, nous berça de son tactactac monotone. Il plut à verse toute la journée du lendemain, mais nous étions bien au sec sous les bâches qui protégeaient les camions. Mes deux compagnons étaient des raseurs de la plus belle eau. Nazis convaincus, ils croyaient toujours à la victoire de l'Allemagne. Ils croyaient toujours en la possibilité de vaincre un géant tel que l'U.R.S.S. ! L'un s'appelait Jürgens, l'autre Bartram. Les heures s'écoulaient lentement, à dormir à grignoter nos poissons, à écouter leurs insanités.
    En gare d'Ouvarov, à l'est du Don, le train s'arrêta.
    Nous pûmes l'abandonner sans encombre et l'étude de la carte nous apprit que nous devions être à trois cents kilomètres environ à l'est de Voronesh. Il nous faudrait pousser jusqu'à près ou plus de cent kilomètres au sud de cette ville avant de

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