Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
Vom Netzwerk:
condamnation qu'ils voulaient bien le dire, encore une question à laquelle je ne puis répondre. Un vieux Russe m'affirma cependant :
    — S'ils avaient vraiment fait quelque chose, ils auraient été tout de suite fusillés.
    Des liens de bonne amitié se tissèrent peu à peu entre moi et le Commissaire à la Répartition du Travail des Prisonniers. Il vint me voir plusieurs fois à l'usine pour me confier certains petits travaux personnels. Un jour, je lui demandai s'il ne pourrait pas me décrocher un meilleur poste et il me promit de s'en occuper. Le lendemain même, il était de retour avec une proposition encore plus loufoque que tout le reste :
    — Tu parles anglais et allemand. Qu'est-ce que tu penserais de devenir professeur de langues ? Tu serais sûrement capable d'enseigner quelque chose aux gosses. Lors des inspections, tu offres simplement un verre au commissaire et il oublie d'inspecter quoi que ce soit. C'est comme ça que tout le monde pratique...
    J'éclatai de rire.
    — Ça ne marchera jamais. Je baragouine un peu votre langue, mais je ne peux pas l'écrire du tout. J'aimerais mieux que tu me trouves autre chose...
    Il secoua la tête avec stupéfaction.
    — Les gosses t'apprendront le russe en échange de ton anglais et de ton allemand. Je suis sûr que ça marchera au poil...
    Toutefois, je ne devins pas pédagogue, mais spécialiste-meunier. Si jamais quelqu'un me posait des questions, je devrais répondre que j'avais été commissaire à la meunerie en Scandinavie.
    Un jeune Russe me fit faire le tour du Moulin n° 73. Il me montra des tamis contenant la farine la plus blanche qu'il m'eût jamais été donné de voir. Une farine absolument impossible à se procurer par des moyens légaux. Puis il emplit un sac de sept kilos, l'attacha, l'aplatit et me dit de le planquer sous ma jaquette en le façonnant à la forme de mon corps, afin que sa présence ne fût pas trop évidente.
    — Et tu pourras faire ça tous les matins, ajouta-t-il. C'est ce qu'on fait tous.
    Ce fut grâce à cette précieuse farine « organisée » par mes soins, selon l'expression consacrée, que j'établis d'excellentes relations avec les hommes de la G.P.U. à qui je la revendais un prix raisonnable, et je pus rapidement faire affecter Fleischmann à un poste agréable en dehors du camp. Puis j'obtins pour nous deux la permission de sortir librement en ville, sous réserve que nous fussions toujours présents à l'appel du matin. Notre vie, pendant deux mois mémorables, fut celle de n'importe quel citoyen soviétique. Une fois par semaine, nous allions au cinéma, et nous vîmes ainsi pas mal de films russes, dont beaucoup étaient excellents. 
    Les actualités hebdomadaires, en revanche, étaient toujours d'une invraisemblance, d'une naïveté désarmantes, parfois même franchement grotesques. Je me souviens d'une bande qui m'avait particulièrement « soufflé ». Elle concernait un héros de la guerre de Crimée dont j'ai oublié le nom. L'explosion d'un obus lui avait crevé les deux yeux, emporté les deux jambes au-dessous du genou. Les médecins l'avaient à peine pansé qu'il bondissait hors de son lit, s'emparait d'une brassée de mines et retournait au combat sur ses moignons fraîchement bandés. 
    Des tanks allemands passaient sur la route. Rampant comme un tigre, ce cul-de-jatte aveugle repérait un premier char ennemi, guidé par sa seule oreille, s'en approchait à l'improviste et le faisait sauter. Il en détruisait ainsi une douzaine ; et puis, sur ce fond titanesque de tanks incendiés, le brave soldat russe se laissait enfin ramener à l'infirmerie de campagne où les chirurgiens l'anesthésiaient et faisaient l'impossible pour le sauver, mais devaient se résigner à le voir mourir — avec un sourire heureux — entre leurs mains compétentes et dévouées. A la fin de ce genre de film, un officier montait sur l'estrade et déclarait avec enthousiasme :
    — Et voilà, camarades, comment l'Armée Rouge combat les suppôts de la bourgeoisie et du capitalisme international.
    Toutes les bonnes choses, bien sûr, ont leur fin, et lorsque j'appris, par un de mes copains de la G.P.U., que nous allions sans doute être de nouveau déplacés, renvoyés, peut-être, dans l'enfer de Tobolsk, je décidai, avec Fleischmann, de prendre la fille de l'air. Notre intention était de rejoindre Moscou et de nous placer, si possible, sous la protection de l'ambassade de Suède. Un matin, je promis au «

Weitere Kostenlose Bücher