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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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et s’en fut, tout courbé vers le sol, poursuivre sa cueillette. Çà et là il ramassait une herbe ou déterrait une racine qu’il mettait dans le panier pendu à son bras. Sa barbe grise touchait presque le sol comme il s’éloignait ce faisant. Hester le suivit des yeux, regardant avec une curiosité à demi fantastique si l’herbe tendre du printemps n’allait point roussir sous ses pas.
    Elle se demandait quelle espèce d’herbe le vieil homme ramassait si diligemment. La terre, malignement influencée par lui, n’allait-elle point lui faire jaillir sous les doigts des plantes vénéneuses jusqu’alors inconnues ? Ou peut-être lui suffisait-il que toute plante salubre devînt délétère à son toucher ? Le soleil, qui brillait partout si gaiement, faisait-il vraiment tomber sur lui aussi ses rayons ? Ou un cercle d’ombre sinistre se déplaçait-il bel et bien, ainsi qu’il semblait, avec sa silhouette contrefaite toutes les fois qu’elle se mouvait ? Et où allait-il à présent ? N’allait-il pas tout soudain s’enfoncer dans la terre, laissant derrière lui un endroit nu et aride où, en temps voulu, viendraient foisonner avec une luxuriance hideuse belladones, cornouillers et jusquiames, ou d’autres plantes funestes propres au pays ? Ou allait-il déployer des ailes de chauve-souris et s’envoler, de plus en plus laid à mesure qu’il monterait plus haut dans le ciel ?
    – Que ce soit un péché ou non, se dit Hester amèrement tout en continuant de le suivre des yeux, je hais cet homme !
    Elle se reprocha ce sentiment mais sans pouvoir le surmonter ni l’affaiblir. En tentant ainsi de se dominer, elle pensa aux jours si éloignés passés dans un pays lointain, aux temps où cet homme sortait au crépuscule de la retraite de son cabinet et s’asseyait à la lueur de leur foyer et de son sourire à elle – jeune épousée. Il avait besoin, disait-il, de ce sourire pour dissiper le froid de toutes les heures solitaires qu’il venait de passer enfermé avec ses livres. Pareilles scènes, en un temps, ne lui avaient paru qu’heureuses, mais aujourd’hui, en les voyant à la lumière des événements qui avaient suivi, Hester les rangeait parmi ses pires souvenirs. Elle se demandait comment elles avaient pu avoir lieu. Comment elle avait jamais pu se décider à épouser cet homme. Elle jugeait que son plus grand crime était d’avoir laissé sa main subir l’étreinte de cette main sans chaleur – d’avoir serré cette main en retour, d’avoir supporté que le sourire de ses yeux et de ses lèvres rencontrât le sourire des lèvres et des yeux de cet homme et s’y confondît. Et il lui semblait que Roger Chillingworth s’était rendu coupable envers elle d’une offense plus vile que celle qu’il avait pu, par la suite, subir, en la persuadant de se croire heureuse auprès de lui quand son cœur n’avait pas parlé et qu’elle ne savait pas à quoi s’en tenir.
    – Oui, je le hais ! répéta Hester plus amèrement encore. Il m’a trahie ! Il m’a fait plus de mal que je ne lui en ai fait !
    Que les hommes tremblent de conquérir la main d’une femme sans conquérir du même coup son amour ! Ou ils risquent, si une étincelle plus puissante sait enflammer un jour le cœur qu’ils ont laissé froid, de se voir reprocher, tel le vieux Roger Chillingworth, jusqu’au calme contentement, à la statue de marbre du bonheur qu’ils auront fait prendre à la femme pour la réalité vivante. Mais Hester aurait dû en avoir depuis longtemps fini avec cette attitude injuste. Sept longues années vécues sous le signe de la lettre écarlate avaient-elles donc infligé tant de misère sans entraîner de repentir ?
    Les émotions qui l’agitèrent pendant le peu de temps qu’elle passa à regarder s’éloigner la silhouette bossue du vieux Roger Chillingworth projetèrent une lueur sur l’état d’esprit d’Hester, lui révélèrent bien des choses qu’elle ne se fût, autrement, pas avouées à elle-même.
    Quand l’homme eut disparu, Hester appela son enfant.
    – Pearl, petite Pearl ! Où es-tu ?
    Pearl, dont l’activité d’esprit ne faiblissait jamais, n’avait pas été à court d’amusements tandis que sa mère parlait avec le vieux ramasseur d’herbes. D’abord, elle avait, ainsi que nous l’avons dit, coqueté avec sa propre image dans les flaques d’eau, faisant signe à son reflet de venir et – comme il refusait de s’y risquer –

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