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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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éloigné la pauvre jeune fille de sa mère pour la mettre sur le chemin de cet homme si durement tenté – disons même, plutôt, tout à fait perdu et désespéré. Comme elle approchait, le démon suggéra au pasteur de condenser sous un très mince volume les germes d’un mal qu’il laisserait tomber sur ce jeune sein où, très certainement, ils ne tarderaient point à se développer et à porter un fruit ténébreux. Le pasteur se sentait un tel pouvoir sur cette âme vierge et si confiante en lui qu’il se voyait à même de flétrir tout ce vaste champ d’innocence d’un seul mot, d’un seul regard impur. Aussi, résultat d’une lutte plus violente qu’aucune de celles qu’il venait de soutenir, il mit un pan de son manteau devant son visage, précipita sa marche et passa sans faire le moindre signe de reconnaissance, laissant sa jeune sœur en Jésus-Christ supporter son impolitesse comme elle le pourrait. Elle fouilla dans sa conscience (qui était pleine de petits riens sans importance comme sa poche ou son sac à ouvrage) et se mit à se reprocher, pauvrette, un millier de fautes imaginaires et vaqua à ses devoirs de ménagère, le lendemain matin, avec des yeux rougis.
    Avant que le pasteur ait eu le temps de célébrer sa victoire sur cette dernière tentation, voilà qu’il fut happé par une autre, ridicule mais presque aussi épouvantable. Il avait envie – nous rougissons de le dire – de s’arrêter pour apprendre de très vilains mots à un groupe de tout petits Puritains en train de s’amuser là et qui ne savaient presque pas parler encore. Se refusant pareil caprice comme indigne de la robe qu’il portait, le Révérend Dimmesdale se trouva face à face avec un marin ivre – un membre de l’équipage du vaisseau espagnol à l’ancre dans le port. Et, du moment qu’il avait si vaillamment surmonté toutes ses autres tentations, le pauvre Révérend aurait, tout au moins, bien voulu serrer la main de ce drôle et se récréer de quelques grossières plaisanteries comme celles dont les marins débauchés sont prodigues et d’une volée de bons, braves jurons défiant Dieu ! Ce furent moins ses principes que son bon goût naturel, que la raideur, surtout, de ses habitudes cléricales de bonne tenue qui le firent sortir indemne de cette dernière crise.
    – Qu’est-ce donc qui me hante et me tente ainsi ? se demanda à la fin le pasteur, s’arrêtant dans la rue et frappant son front de sa main. Suis-je fou ? ou devenu complètement la proie du démon ? Ai-je fait un pacte avec lui dans la forêt ? et signé de mon sang ? Et vient-il, à présent, me rappeler mes engagements en me poussant à accomplir toutes les mauvaises actions et les vilains gestes que son ignoble imagination peut concevoir ?
    Au moment où le Révérend Dimmesdale s’interrogeait ainsi en se frappant le front, il paraît que vieille dame Hibbins, la célèbre sorcière, vint à passer en grand appareil. Elle portait une coiffe fort haute, une belle robe de velours et sa fraise était amidonnée avec le fameux empois jaune dont Ann Turner {68} , sa grande amie, lui avait autrefois donné le secret avant d’être pendue pour le meurtre de Sir Thomas Overbury. Que dame Sorcière eût lu ou non les pensées du pasteur, elle se serait, en tout cas, arrêtée, aurait d’un œil perçant regardé son homme bien en face, souri avec astuce et (encore que peu encline à s’entretenir avec des clergymen) entamé la conversation.
    – Or çà, mon révéré seigneur, vous allâtes donc faire une visite en forêt ? dit-elle en branlant de son chef à la haute coiffe. La prochaine fois, il me faudra faire signe, s’il vous plaît. Je serai fière de vous tenir compagnie et crois ne point m’avancer trop en vous assurant qu’un mot de moi suffira à vous valoir là-bas fort aimable accueil du grand potentat que vous savez.
    – Je me déclare, Madame, répondit le pasteur avec tout le respect qu’exigeait le rang de la dame et que sa bonne éducation lui inspirait, je me déclare en conscience fort surpris par vos paroles ! Je n’allai point dans la forêt pour voir un potentat, ni ne désire jamais y revenir en vue de gagner les faveurs de pareil personnage. Je n’eus d’autre objet que d’aller voir mon mien pieux ami, l’Apôtre Eliot, et me réjouir avec lui qu’il ait gagné tant d’âmes précieuses à notre religion.
    – Ha ! ha ! ha ! fit la vieille dame et sorcière en branlant

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