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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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main, tous deux avaient mêlé leurs propos tristes et passionnés au murmure du ruisseau. Comme ils s’étaient profondément compris alors ! Était-ce bien là le même homme ? Elle le reconnaissait à peine ! Il avançait, passait, la dépassait, fièrement, enveloppé, pour ainsi dire, dans les riches sonorités de la musique, en même temps que les vénérables membres de l’État et de l’Église – totalement inaccessible en cette position officielle et plus inaccessible encore dans le monde de pensées étrangères où elle le voyait transporté ! Elle se laissa abattre profondément par l’idée que tout devait n’avoir été qu’une illusion, que, pour aussi nettement qu’elle l’eût rêvé, il ne pouvait y avoir eu de lien véritable entre le pasteur et elle. Et Hester restait encore tellement femme qu’elle pouvait à peine lui pardonner d’arriver à se retirer si complètement de leur univers commun – et en ce moment ! quand le pas lourd de leur destin se faisait plus proche, plus proche et plus proche encore ! tandis qu’elle tâtonnait dans les ténèbres, étendait ses mains froides et ne le trouvait pas.
    Pearl, ou s’aperçut des sentiments qui agitaient sa mère et les éprouva par contrecoup, ou fut elle-même sensible à l’effet que faisait le pasteur d’être éloigné et intangible. Pendant que le cortège passait, elle fut mal à l’aise, ne cessa de sautiller comme un oiseau sur le point de s’envoler. Une fois le défilé terminé, elle leva les yeux sur le visage d’Hester.
    – Mère, dit-elle, était-ce le même pasteur que celui qui m’a donné un baiser près du ruisseau ?
    – Tiens-toi tranquille, petite Pearl, chuchota la mère. Il ne faut pas toujours parler sur la Place du Marché de ce qui s’est passé dans la forêt.
    – Je n’arrivais pas à être sûre que c’était lui tant il avait l’air d’un autre, poursuivit l’enfant. Sinon, j’aurais couru lui demander de m’embrasser devant tout le monde comme il m’embrassa là-bas, sous les vieux arbres noirs. Qu’aurait-il dit, Mère ? Aurait-il appliqué sa main sur son cœur et fait les gros yeux en m’ordonnant de m’en aller ?
    – Qu’aurait-il dit, Pearl, sinon qu’on ne s’embrasse pas sur la Place du Marché ? répondit Hester. Heureusement pour toi, petite sotte, que tu n’allas point lui parler !
    Une autre nuance du même sentiment au sujet du Révérend Dimmesdale fut exprimée par une personne que son excentricité – ou, disons, son insanité – poussa, chose que peu d’habitants de la ville se fussent risqués à faire, à entrer devant tout le monde en conversation avec la porteuse de la lettre écarlate. Cette personne était vieille dame Hibbins sortie voir passer le cortège en très magnifique appareil : robe du plus moelleux velours, triple fraise, guimpe brodée et canne à pommeau d’or. Comme elle avait la réputation (qui plus tard ne lui coûta pas moins que la vie) d’être fort avant engagée dans les pratiques de nécromancie qui ne cessaient d’avoir lieu, la foule s’ouvrit devant elle et parut redouter d’être effleurée par ses vêtements comme s’ils eussent transporté la peste en leurs plis somptueux. Quand on la vit en tête à tête avec Hester Prynne – que tant de gens considéraient pourtant maintenant avec bienveillance – la terreur qu’inspirait dame Hibbins fut doublée et occasionna un remous général à l’endroit de la Place du Marché où se tenaient les deux femmes.
    – Quelle imagination mortelle eût été concevoir chose pareille ! marmotta la vieille dame confidentiellement à l’oreille d’Hester. Cet homme de Dieu là-bas ! que les gens tiennent pour un saint sur terre, mais c’est qu’il a, il faut reconnaître, vraiment tout l’air d’en être un ! Qui parmi ceux qui viennent de le voir passer dans le cortège irait croire qu’il y a si peu de temps il quittait son cabinet – mâchonnant, je gage, quelque texte hébreu – pour aller faire un petit tour en forêt ! Ah ! Ah ! Nous savons ce que cela veut dire, Hester Prynne ! Mais, par ma foi, j’ai peine à croire qu’il s’agissait du même homme ! Plus d’un membre du clergé ai-je vu marchant derrière cette musique qui dansa sur le même air que moi quand quelqu’un, que je ne saurais nommer, jouait du violon et que nous faisait vis-à-vis quelque sorcier peau-rouge ou jeteur de sort lapon. Peuh ! ce sont là bagatelles pour

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