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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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milieu un peu fermé, on était génétiquement musicien comme on pouvait être génétiquement rabbin. Henry se mit à penser, comme il le dira plus tard : « Mon Dieu, si j’ai quelque pouvoir magique, peut-être que ce salopard va finir par se suicider ! »
    La musique proscrite de Sombre Dimanche avait, à force d’être serinée, acquis droit de cité dans la maison d’Amon. Et maintenant, Henry avait décidé d’en faire son instrument de guerre, en duo avec Leopold qui se sentait rassuré par le regard pâmé et reconnaissant du bel officier.
    Henry, en revanche, avait quelques sueurs froides. Les sanglots qu’il tirait de son violon étaient si manifestement destinés à une mise à mort qu’il craignait qu’Amon ne finisse par s’en apercevoir. Les connaisseurs pourront épiloguer sur la façon dont Henry exécutait son morceau. L’important, c’était l’envoûtement qu’il créait. Un seul homme, l’officier, en avait pleinement conscience et continuait à regarder fixement Henry, insensible au brouhaha que faisaient les autres convives, les Bosch, Scherner, Czurda ou Amon, déjà bien partis. On le sentait prêt à bondir de sa chaise et à déclamer en direction de l’assistance : « Bien sûr, messieurs, c’est lui, c’est le violoniste qui a raison. Survivre à un tel chagrin aurait-il quelque sens ? »
    Les Rosner continuèrent à jouer le morceau encore et encore, bien au-delà des limites qu’Amon aurait normalement tolérées. Finalement le bel officier se leva pour se rendre sur le balcon. Henry savait que tout ce qu’il pouvait donner l’avait été. Désormais, soucieux d’effacer les indices, il se lança avec son frère dans les opérettes moins compromettantes de von Suppé ou de Lehar. L’officier resta sur le balcon pendant presque une demi-heure. Une excellente soirée fut interrompue quand il se logea une balle dans la tête.
    Ainsi allait le sexe à Plaszow : l’urgence, les poux et les morpions à l’intérieur des barbelés ; la démence et le meurtre sur les bords. Et au milieu de tout cela, un Josef Bau et une Rebecca Tannenbaum poursuivant, impavides, leur grand roman d’amour.
    Les premières neiges étaient déjà tombées depuis longtemps quand Plaszow fut soumis à un changement de statut bien regrettable pour tous les amoureux. Dans les premiers jours de janvier, Plaszow devint un Konzentrationslager (camp de concentration) dépendant du Bureau central SS des affaires économiques et administratives situé à Oranienburg, près de Berlin, sous la haute autorité du général Oswald Pohl. Les camps annexes, tels Plaszow ou Emalia, dépendraient directement d’Oranienburg. Les chefs de la police, Scherner et Czurda, n’en auraient donc plus le contrôle direct. Ce qui signifiait que les sommes versées par Oskar ou Madritsch pour l’emploi de leurs prisonniers ne tomberaient plus dans les caisses de la rue Pomorska mais seraient versées au général Richard Glücks, chef de la section D (camps de concentration) qui dépendait de Pohl. Pour obtenir quelques passe-droits, Oskar devrait désormais se rendre à Plaszow pour amadouer Amon, continuer à inviter à dîner Julian Scherner, mais aussi contacter certains personnages haut placés dans l’immense machine bureaucratique d’Oranienburg.
    Oskar profita très vite d’un voyage d’affaires à Berlin pour tenter de rencontrer les gens qui allaient désormais s’occuper de ses dossiers. Oranienburg, qui était à l’origine un camp de concentration, apparaissait à cette époque comme un vaste complexe parsemé d’innombrables baraques. Tout ce qui touchait à la vie ou à la mort dans les camps dépendait des bureaux de la section D. Son directeur, Richard Glücks, avait en charge l’établissement des listes de prisonniers « bons pour le travail » ou « bons pour les chambres à gaz », après toutefois en avoir référé à Pohl. Il veillait à ce que l’équation XY (où X représentait les prisonniers astreints aux travaux forcés et Y ceux qui étaient voués à la mort) atteigne toujours le point d’équilibre optimal.
    Glücks avait établi des règles très strictes pour tout ce qui concernait la vie dans les camps. Des dizaines de mémos libellés dans le plus pur jargon administratif sortaient chaque jour de ses services.
    Bureau central SS pour les affaires économiques et administratives Section principale D (Camps de concentration) l-AZ : 14fl-Ot-S-GEG TGB NO

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