La Liste De Schindler
départ des trains et revêtent la tenue rayée des prisonniers. Dans la mesure où il y avait pénurie de ce type de vêtements, les uniformes de prisonniers que les candidats de Plaszow au traitement spécial portaient en arrivant à Auschwitz devraient être réexpédiés immédiatement au camp de concentration de Plaszow pour usage ultérieur.
Les quelques enfants de Plaszow qui avaient été épargnés, et dont le plus grand nombre était constitué par le petit groupe qui avait partagé la fosse des latrines avec l’orphelin, durent désormais se tenir cachés ou essayer de se faire passer pour des adultes jusqu’au jour où ils seraient débusqués et expédiés dans le lent convoi vers Auschwitz qui serait leur dernier voyage. Les wagons à bestiaux fonctionnèrent ainsi tout l’été. Ils emmenaient des renforcements en hommes et en matériel vers l’est, en direction de Lwow, là où le front s’était stabilisé. Une fois revenus à vide, on les immobilisait pendant de précieuses heures le long d’embranchements ferroviaires perdus, pendant que des médecins SS supervisaient avec toute la vigilance requise les cohortes toujours renouvelées d’hommes et de femmes nus en train de courir.
CHAPITRE 29
Assis dans le bureau d’Amon, toutes fenêtres ouvertes pour essayer de recueillir le moindre souffle de brise dans la moiteur de cet été, Oskar, dès les préliminaires, eut l’impression que la petite conférence était bidon. A voir leurs regards se détacher d’Amon pour observer par la fenêtre les wagonnets chargés de pierres, une carriole ou un camion, on aurait pu penser que Madritsch et Bosch partageaient cet avis. Seul l’Untersturmführer John qui prenait des notes éprouvait le besoin de se tenir bien droit sur sa chaise et de garder son col de chemise boutonné.
Amon les avait convoqués pour ce qu’il appelait une conférence sur les problèmes de sécurité. Bien que désormais le front se fût stabilisé, disait-il, l’avance des forces russes jusqu’aux faubourgs de Varsovie avait donné un coup de fouet aux mouvements de résistance sur l’ensemble du territoire du gouvernement général. Du coup, les juifs cherchaient de plus en plus à s’évader. Ils ne savaient pas, les innocents, poursuivait Amon, qu’ils étaient bien plus en sécurité derrière leurs barbelés qu’au sein des partisans polonais tueurs de juifs. Quoi qu’il en soit, tout le monde devait prendre des précautions contre une attaque de partisans, ou, pis encore, une attaque combinée de partisans et de prisonniers.
Oskar essaya d’imaginer les partisans se ruant sur Plaszow, délivrant les Polonais et les juifs, les incorporant immédiatement dans leurs rangs. Un rêve. Qui pouvait y croire ? Et pourtant, Amon tentait de les convaincre que lui y croyait. Cette petite convocation devait avoir un but précis, Oskar en était certain. Mais lequel ?
— Si les partisans débarquent chez vous, Amon, j’espère que ce ne sera pas un soir où j’aurai été invité, plaisanta Bosch.
— Amen, amen, murmura Schindler.
Après cette mini-conférence dont chacun ignorait encore la véritable cause, Oskar emmena Amon vers sa voiture garée devant les bureaux administratifs. Il ouvrit le coffre qui renfermait une selle superbe, décorée des motifs de la région de Zakopane, un coin montagneux situé au sud de Cracovie. Oskar estimait nécessaire de continuer à graisser la patte d’Amon, d’autant plus que les sommes versées au titre de l’emploi des prisonniers ne tombaient plus dans l’escarcelle du Hauptsturmführer Goeth mais étaient envoyées directement à la filiale cracovienne du quartier général du général Pohl à Oranienburg.
Oskar proposa de ramener Amon à sa villa. Avec la selle, bien sûr.
Par une journée aussi étouffante, certains des hommes attelés aux wagonnets ne faisaient pas d’excès de zèle. Mais le cadeau que venait de recevoir Amon avait tempéré ses humeurs, et de toute façon les nouveaux règlements lui interdisaient de sauter de sa voiture pour tirer à vue sur les travailleurs mollassons. La voiture, après avoir longé les baraques, arriva à l’embranchement ferroviaire où s’alignaient les wagons à bestiaux. Oskar sut immédiatement qu’ils étaient pleins. Quelque chose comme une brume de chaleur s’élevait au-dessus des wagons. Et le bruit que faisait la locomotive ne parvenait pas à noyer les gémissements et les suppliques pour un
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