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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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l’unique baril prévu à cet effet, planté à l’extérieur au milieu de la boue, et sur lequel veillait une prisonnière qui touchait pour cette tâche un bol de soupe supplémentaire. Mila Pfefferberg, prise un soir d’une crise de colique, tituba jusqu’au baril où la prisonnière responsable – une brave dame que Mila avait connue dans son enfance – lui en interdit l’usage. Il fallait attendre qu’arrive une autre prisonnière qui aiderait Mila à le vider. Aucun argument ne put ébranler cette femme qui, en quelques jours à peine, avait accédé à un échelon supérieur, celui de dame-pipi, grâce à la surveillance de ce baril de merde. Elle en était venue à croire qu’elle était désormais détentrice des tables de l’hygiène et de la santé.
    Une autre prisonnière arriva, haletante, et frénétiquement pressée. C’était une jeune fille qui avait connu la dame en charge du baril en des temps meilleurs, quand elle était la digne épouse d’un notable juif de Cracovie. Elle se sentait trop intimidée pour discuter. Les deux filles s’emparèrent du baril pour aller le vider trois cents mètres plus loin. Sur le chemin du retour, la fille demanda à Mila :
    —  Eh bien, où est-il donc Schindler, maintenant ?
    Cette question, chacune devait bien se la poser, mais personne n’osait trop la formuler. Ou, si on le faisait, c’était rarement sur ce ton mi-ironique, mi-désespéré. Une jeune veuve d’Emalia, Lusia, âgée de vingt-deux ans, ne cessait de répéter :
    —  Vous verrez, ça finira par se faire. Un jour ou l’autre, on se retrouvera toutes dans un petit coin bien chaud de Moravie ; on mangera toutes la bonne soupe de Schindler.
    Elle ne savait pas elle-même pourquoi elle continuait à répéter cela, inlassablement. A Emalia, personne ne l’avait jamais entendue prédire quoi que ce soit. Elle faisait tranquillement ses heures de travail, avalait sa soupe et dormait. Pour elle, un jour de survie, c’était toujours ça de gagné. Maintenant qu’elle était malade et tiraillée par la faim, pourquoi s’obstinait-elle à peindre l’avenir en rose ? Peut-être voulait-elle se persuader qu’Oskar ne se serait jamais permis de faire de vaines promesses ?
    Quelque temps après, alors qu’on les avait transférées dans une autre baraque plus proche des fours crématoires, alors qu’elles ignoraient si leur prochain déplacement serait en direction des douches ou des chambres à gaz, Lusia continua de prêcher son message d’optimisme. Il est vrai que même à ce moment de l’Histoire, alors qu’on les avait poussées inexorablement jusqu’au bord de l’abîme, les Schindlerfrauen refusaient de se laisser aller au désespoir. Ce n’était pas leur genre. On pouvait même en voir quelques-unes qui continuaient à échanger entre elles quelques bonnes recettes de l’avant-guerre.
    A Brinnlitz, rien n’était prêt. Dans les dortoirs du premier étage, pas de lits superposés, seulement une couche de paille sur le plancher. Mais les chaudières fonctionnaient, et il faisait bon. Les cuistots n’étaient pas là et les prisonniers durent avaler crus les navets qui s’empilaient dans la cuisine. Pourtant, tout s’organisa assez vite : on fit chauffer la soupe, cuire le pain, et l’ingénieur Finder commença à répartir les tâches. Mais les prisonniers, à moins que les SS ne fussent aux alentours, ne semblaient pas particulièrement motivés. Peut-être un sixième sens leur avait-il soufflé que Herr Direktor n’était plus partie prenante de l’effort de guerre. Les cadences mollissaient. Pressentant qu’Oskar ne se sentait plus concerné par la productivité, le travail au ralenti leur tenait lieu de petite vengeance.
    La mollesse dans l’effort n’était pas la chose la mieux partagée dans les camps de travail à cette époque. Partout en Europe, des millions d’esclaves s’épuisaient jusqu’à l’extrême limite de leur ration quotidienne de six cents calories pour faire bonne impression et retarder leur transfert vers les camps de la mort. A Brinnlitz, ces esclaves-là découvraient l’étrange liberté de pouvoir manier la pelle au ralenti sans que les sanctions s’abattent.
    Ce laisser-aller n’était pas évident pendant les premiers jours. Trop de prisonniers se faisaient du souci pour leurs femmes. Dolek Horowitz avait une épouse et une fille là-bas. Les frères Rosner, leurs épouses. Pfefferberg se demandait si Mila

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