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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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retrouver du travail. Manci Rosner, qui était d’origine autrichienne, avait apporté avec elle sa machine à coudre. Ce qui permit aux Rosner d’ouvrir un petit magasin de retouches à Tyniec. Le soir ils jouaient dans des tavernes locales à la grande joie des consommateurs qui n’étaient guère habitués à cette virtuosité. Les villages, même les plus renfermés, savent souvent reconnaître le talent, fût-il juif. Et de tous les instruments, le violon était celui que les Polonais vénéraient le plus.
    Un Volksdeutscher, un de ces Polonais de langue allemande au nom desquels Hitler avait envahi la Pologne, fonctionnaire de la municipalité de Cracovie, avait entendu les frères Rosner jouer un soir dans la cour d’une auberge alors qu’il se promenait dans la région. Il avait dit à Henry que le maire de Cracovie, l’Obersturmbannführer Pavlu, et son adjoint, le fameux skieur Sepp Röhre, feraient une tournée dans la campagne au moment des moissons. Il aurait aimé que les Rosner puissent animer une soirée en l’honneur de ces prestigieuses personnalités.
    Par un bel après-midi d’été, un convoi de voitures officielles traversa Tyniec pour se rendre dans le manoir d’un aristocrate polonais qui avait quitté les lieux. Les frères Rosner, tirés à quatre épingles, attendaient sur la terrasse. Quand tous les hôtes furent assis dans le grand salon de réception, on les pria de se tenir prêts. Henry et Leopold étaient fiers de constater le sérieux avec lequel l’Obersturmbannführer Pavlu et ses hôtes se préparaient à les écouter. Mais ils ne se sentaient pas à l’aise pour autant. Tout le monde était en tenue de soirée, les dames en robe blanche, les militaires en grand uniforme, les fonctionnaires en smoking. Il ne fallait surtout pas faire regretter à ces gens de s’être mis sur leur trente-et-un. De plus, qu’un juif eût pu décevoir des hôtes aussi distingués aurait été perçu comme une provocation.
    Ils firent un tabac. L’audience, il est vrai, n’était pas particulièrement sophistiquée. Leur registre n’allait guère au-delà de Strauss, Offenbach, Lehar, André Messager et Léo Fall. Ils en redemandaient.
    Pendant que Leopold et Henry exécutaient leur numéro, ces messieurs et dames de l’assistance lampaient le Champagne à gogo. Une fois terminée la performance, on emmena les frères un peu plus loin, à un endroit où se trouvaient rassemblés les paysans du coin et les soldats de l’escorte. Si les racistes allaient devoir s’exprimer, ce serait là. Mais après s’être installés sur une estrade et avoir regardé la foule bien dans les yeux, ils surent que tout irait bien. Les villageois n’étaient pas peu fiers de compter parmi eux les Rosner qui étaient en quelque sorte issus de la tradition polonaise. Cette soirée ressemblait tellement au bon vieux temps que Henry, inconsciemment, se mit à sourire à Olek et à Manci, et à jouer pour eux, ignorant tous les autres. Pour quelques instants la musique semblait avoir rendu la paix au monde.
    Quand les derniers accords se furent tus, un sous-officier SS d’un certain âge s’approcha de l’estrade où on les félicitait. Il les salua et leur dit sans sourire :
    —  J’espère que vous appréciez la fête des moissons.
    Sur ce, il leur donna encore un petit salut et s’en alla. Les deux frères se regardèrent et tentèrent d’interpréter ses propos :
    —  Je suis sûr que c’est une menace, déclara Leopold.
    Voilà qui indiquait assez bien les craintes qu’ils éprouvaient depuis que le Volksdeutscher de la municipalité de Cracovie leur avait adressé la parole: en cette époque troublée, mieux valait rester dans l’anonymat.
    Ainsi allait la vie à la campagne en cette année 1940: une carrière interrompue, les menus travaux quotidiens, la peur du lendemain, et, malgré tout, l’espoir de revoir Cracovie où les Rosner savaient qu’ils retourneraient un jour ou l’autre.
    Quand Stern revint dans l’appartement de Schindler au début de l’automne, ce fut Ingrid qui lui offrit le café. Emilie était repartie chez elle. Oskar, on le sait, ne faisait pas secret de ses faiblesses et n’imaginait pas une seconde qu’il dût s’excuser de la présence d’Ingrid devant l’ascétique Polonais. Quand le café fut pris, Oskar alla prendre dans le placard à liqueurs une bouteille de cognac qu’il plaça sur la table près de Stern, comme si le malheureux avait pour

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