La Loi des mâles
d’habiller de
neuf ses cinquante-quatre sergents d’armes et leur chef, Pierre de Galard,
maître des arbalétriers. Adam Héron, Robert de Gamaches, Guillaume de Seriz,
les chambellans, avaient reçu chacun dix aunes de rayé de Douai pour se faire
des cottes hardies. Henry de Meudon, Furant de la Fouaillie, Jeannot
Malgeneste, les veneurs, avaient touché un nouvel équipement, ainsi que tous
les archers. Et comme on armerait vingt chevaliers après le sacre, c’était
encore vingt robes à donner ! Ces présents de vêtements constituaient les
gratifications d’usage ; et l’usage voulait aussi que le roi fît ajouter à
la châsse de Saint-Denis une fleur de lis en or constellée d’émeraudes et de
rubis.
— Au total ? demanda
Philippe.
— Huit mille cinq cent
quarante-huit livres, treize sols et onze deniers, Sire, répondit l’argentier.
Peut-être pourriez-vous demander une contribution de joyeux avènement ?
— Mon avènement sera plus
joyeux si je n’impose pas de nouvelles taxes. Nous ferons face autrement, dit
le roi.
Ce fut à ce moment qu’on annonça le
comte de Valois. Philippe éleva les mains vers le plafond :
— Voilà ce que nous avions
oublié en nos additions. Vous allez voir, Geoffroy, vous allez voir ! Cet
oncle-là va me coûter plus cher à lui seul que dix sacres ! Il vient me
mettre marché en main. Laissez-moi seul avec lui.
Ah ! qu’il était splendide,
Monseigneur de Valois ! Brodé, chamarré, doublé de volume par d’épaisses
fourrures qui s’ouvraient sur une robe cousue de pierres précieuses ! Si
les habitants de Reims n’avaient pas su que le nouveau souverain était jeune et
maigre, on eût pris ce seigneur-là pour le roi lui-même.
— Mon cher neveu,
commença-t-il, vous me voyez bien en peine… bien en peine pour vous. Votre
beau-frère d’Angleterre ne vient pas.
— Il y a longtemps, mon oncle,
que les rois d’outre-manche n’assistent plus à nos sacres, répondit Philippe.
— Certes ; mais ils y sont
représentés par quelque parent ou grand seigneur de leur cour, pour occuper
leur place de duc de Guyenne. Or Edouard n’a envoyé quiconque ; c’est
confirmer ainsi qu’il ne vous reconnaît pas. Le comte de Flandre, que vous
pensiez avoir amadoué par votre traité de septembre, n’est pas là non plus, ni
le duc de Bretagne.
— Je sais, mon oncle, je sais.
— Quant au duc de Bourgogne,
n’en parlons point ; nous étions sûrs qu’il nous ferait défaut. Mais en
revanche sa mère, notre tante Agnès, vient d’entrer en la ville tout à l’heure,
et je ne pense pas que ce soit précisément pour vous apporter son soutien.
— Je sais, mon oncle, je sais,
répéta Philippe.
Cette arrivée imprévue de la
dernière fille de Saint Louis inquiétait Philippe plus qu’il ne le laissait
paraître. Il avait d’abord pensé que la duchesse Agnès venait négocier. Mais
elle ne montrait guère de hâte à se manifester, et lui-même était décidé à ne
pas faire la première démarche. « Si le peuple, qui m’acclame quand je
parais, savait de quelles hostilités et menaces je suis entouré ! »
se disait-il.
— Si bien que des pairs laïcs
qui doivent demain soutenir votre couronne, reprit Valois, vous n’en avez
présentement aucun [25] .
— Mais si, mon oncle ;
vous oubliez la comtesse d’Artois… et vous-même.
Valois eut un violent mouvement
d’épaules.
— La comtesse d’Artois !
s’écria-t-il. Une femme pour tenir la couronne, alors que vous-même, Philippe,
vous-même n’avez tiré vos droits que de l’exclusion des femmes !
— Soutenir la couronne n’est
point la ceindre, dit Philippe.
— Faut-il que Mahaut ait aidé à
votre accession pour que vous la grandissiez de la sorte ! Vous allez
donner crédit davantage à tous les mensonges qui circulent. Ne revenons point
sur le passé, mais enfin, Philippe, n’est-ce pas Robert qui devrait figurer
pour l’Artois ?
Philippe feignit de ne pas porter
attention aux dernières paroles de son oncle.
— De toute façon les pairs
ecclésiastiques sont là, dit-il.
— Ils sont là, ils sont là…
dits Valois en agitant ses bagues. Déjà ils ne sont que cinq sur six. Et que
croyez-vous qu’ils vont faire, ces pairs d’Église, quand ils verront que du
côté du royaume une seule main, et laquelle ! va se lever pour vous couronner ?
— Mais, mon oncle, vous
comptez-vous donc pour rien ?
Ce fut le tour de Valois
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