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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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trouvèrent,
autour du comte de Poitiers, une nombreuse assistance de seigneurs, de notables
et d’hommes d’Église, parmi lesquels l’évêque Marigny toujours prompt à se
ranger du côté du pouvoir.
    Constatant avec dépit la présence de
Coquatrix, de Gentien et de plusieurs bourgeois, Valois dit à mi-voix à Charles
de La Marche :
    — Votre frère ne durera pas. Il
est bien peu assuré de lui-même s’il se sent obligé de s’appuyer sur les hommes
du commun.
    Néanmoins, il prit son meilleur air
pour s’avancer vers Poitiers et le pria d’excuser l’incident des portes.
    — Mes écuyers de garde ne
savaient point. Ils avaient reçu consignes sévères… à cause de la reine
Clémence…
    Il s’attendait à une solide
rebuffade et la souhaitait presque afin de pouvoir entrer en conflit ouvert
avec Philippe. Mais celui-ci ne lui offrit pas les avantages d’une brouille et
lui répondit, du même ton :
    — J’ai dû agir de la sorte, et
à grand regret, mon oncle, pour prévenir les entreprises de notre cousin de
Bourgogne à qui votre départ avait laissé la place libre. J’en avais reçu
nouvelles dans la nuit, à Fontainebleau, et n’ai pas voulu vous éveiller.
    Valois, cherchant à atténuer sa
défaite, feignit d’admettre l’explication, et s’efforça même de faire bon
visage au connétable qu’il tenait pour l’auteur de toute la machination.
    Charles de La Marche, moins habile à
dissimuler, gardait les lèvres closes.
    Le comte d’Évreux présenta alors la
proposition dont il était convenu avec Philippe. Tandis que celui-ci, dans un
coin de la salle, feignait de s’entretenir de questions de service avec le
connétable et Miles de Noyers, Louis d’Évreux dit :
    — Mes nobles seigneurs, et vous
tous, messires, je conseille, pour le bien du royaume, et pour y éviter des
troubles funestes, que notre bien-aimé neveu Philippe assure le gouvernement,
de notre consentement à tous, et qu’il accomplisse les offices royaux au nom de
son neveu à naître, si Dieu veut que la reine Clémence mette au monde un
fils ; je conseille aussi qu’une assemblée de tous les hauts hommes du
royaume se tienne sitôt qu’on la pourra réunir, avec les pairs et les barons,
pour approuver notre décision et jurer fidélité au régent.
    C’était l’exacte riposte à la
déclaration de Charles de La Marche, la veille, à Fontainebleau, en faveur de
Valois. Mais la scène, cette fois, avait été réglée par de meilleurs artistes.
Truffée d’hommes fidèles au comte de Poitiers, l’assistance approuva par
acclamation. Aussitôt Louis d’Évreux vint mettre les mains dans celles de
Philippe.
    — Je vous jure fidélité, mon
neveu, dit-il en ployant le genou.
    Philippe le releva et, lui donnant
l’accolade, lui dit à l’oreille :
    — Tout se poursuit à
merveille ; grand merci, mon oncle.
    Charles de Valois, furieux,
grommelait :
    — Le roi… Il se prend tout
juste pour le roi.
    Mais Louis d’Évreux déjà se tournait
vers lui, disant :
    — Pardon, mon frère, d’être
passé avant votre aînesse.
    Valois n’avait plus qu’à obéir. Il
s’approcha, les mains tendues ; le comte de Poitiers les lui laissa en
l’air.
    — Vous me ferez la grâce, mon
oncle, dit-il, de siéger à mon Conseil.
    Valois pâlit. La veille, il signait
les ordonnances et les faisait sceller de son sceau. Aujourd’hui on lui offrait
comme un grand honneur une place en un Conseil auquel il appartenait de droit.
    — Vous me remettrez aussi les
clés du Trésor, ajouta Philippe en baissant la voix. Je sais bien qu’il n’y
reste que poussières. Mais de ce peu, je suis désormais garant.
    Valois eut un mouvement de
recul ; c’était sa dépossession complète qu’on exigeait de lui.
    — Mon neveu, je ne puis,
répondit-il. Il me faut faire mettre les comptes au net.
    — Je me défends bien, mon
oncle, de douter de leur netteté ! dit Philippe avec une ironie à peine
perceptible. Gardez-moi de vous faire l’injure d’en demander l’examen. Remettez
donc les clés, et nous vous tiendrons quitte des comptes.
    Valois comprit la menace.
    — Soit, mon neveu, ces clés
vous seront portées tout à l’heure.
    Philippe alors étendit les mains
pour recevoir l’hommage de son plus puissant rival.
    Le connétable de France s’approchait
à son tour.
    — À présent, Gaucher, lui
souffla Philippe, il nous faut nous occuper du Bourguignon.
     

VIII

LES VISITES DU COMTE

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