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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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faut avouer, mon frère,
que le scandale était gros !
    L’assistance commençait de
bourdonner. Du fond de la salle venaient des bruits de disputes, certains
seigneurs tenant pour la bâtardise de Jeanne, et d’autres pour la légitimité.
Charles de La Marche, mal à l’aise, pâle, baissait la tête, comme chaque fois
qu’il était question de cette misérable affaire. « Marguerite est
morte ; Louis est mort, se disait-il ; mais ma femme Blanche est
toujours vivante et moi je continue de porter au front mon déshonneur. »
    À ce moment, le comte de Clermont,
auquel personne n’accordait plus attention, donna des signes d’agitation :
    — Je vous défie, messires, je
vous défie tous ! cria-t-il soudain.
    — Plus tard, mon père, plus
tard, nous irons en tournoi, dit Louis de Bourbon d’une voix qui se voulait
tranquille et naturelle.
    Et en même temps il invitait du
geste les deux gigantesques écuyers à se tenir prêts, pour le cas où il
faudrait ceinturer le dément.
    Robert d’Artois contemplait,
enchanté de soi, le tumulte qu’il avait provoqué.
    Le duc de Bourgogne lançait à
Charles de Valois :
    — Certes je souhaite que Dieu
pardonne à Marguerite ses péchés, si elle en a commis ; mais je souhaite
moins qu’il pardonne à ses assassins !
    — Ce sont mensonges que vous
avez écoutés, Eudes, répliquait Valois, et vous savez bien que votre sœur n’est
morte de rien d’autre que de honte et de remords en sa prison.
    Maintenant que le comte de Valois et
le duc de Bourgogne étaient bien profondément brouillés, sans chance aucune
qu’ils unissent leurs causes avant longtemps, Philippe de Poitiers étendit les
mains dans un geste d’apaisement.
    Mais Eudes ne voulait pas la paix,
bien au contraire.
    — J’ai assez ce jour d’hui, mon
cousin, entendu outrager la Bourgogne, dit-il. J’oppose refus à vous
reconnaître pour régent, et j’affirme et maintiens devant tous les droits de ma
nièce Jeanne.
    Puis, faisant signe aux seigneurs
bourguignons de le suivre, il quitta la salle.
    — Messeigneurs, Messires, dit
le comte de Poitiers, voici tout justement ce que nos légistes s’étaient
efforcés d’éviter en remettant au Conseil des Pairs de décider plus tard, s’il
y a lieu, de la question des filles. Car si la reine Clémence donne un mâle au
royaume, toute cette querelle est sans objet.
    Robert d’Artois était toujours
devant l’estrade, les poings aux hanches.
    — Je retiens ceci de votre
règlement, mon cousin, s’écria-t-il, que désormais, en coutume de France, le
droit à succéder est contesté aux femmes. Je demande donc que me soit retourné
mon comté d’Artois qui fut indûment remis à ma tante Mahaut. Et tant que vous
ne m’aurez point fait justice sur ce point, je ne saurai paraître à votre
Conseil.
    Là-dessus il se dirigea lui aussi
vers la sortie, suivi de sa mère qui trottinait, fière de lui et fière d’elle.
    La comtesse Mahaut éleva les mains
d’un geste qui exprimait : « Là ! Je l’avais bien
dit ! »
    Avant de franchir la porte, Robert,
passant derrière le comte de Clermont, lui souffla méchamment à
l’oreille :
    — Aux lances, cousin, aux
lances !
    — Coupez cordes ! Hurlez
bataille [12]  !
cria Clermont en se dressant.
    — Porc malfaisant, le diable
t’étripe ! lança Louis de Bourbon à Robert.
    Puis à son père :
    — Restez encore avec nous. Les
trompettes n’ont point sonné.
    — Ah ! Elles n’ont point
sonné ? Eh bien ! Qu’elles sonnent ! Il se fait tard, dit
Clermont.
    Il attendait, l’œil vide, les bras
écartés.
    Bourbon se dirigea, claudiquant, vers
le comte de Poitiers et le pria, à voix basse, de hâter le cérémonial. Philippe
approuva de la tête.
    Bourbon retourna au malade, lui prit
la main en disant :
    — L’hommage, mon père ;
l’hommage à présent.
    — Ah ! Certes, l’hommage.
    Le boiteux conduisant le dément, ils
traversèrent l’estrade.
    — Messeigneurs, dit Louis de
Bourbon, voici mon père, le plus ancien du sang de Saint Louis, qui approuve le
règlement en tous points, reconnaît messire Philippe comme régent et lui jure
fidélité.
    — Oui, messires, oui… dit
Robert de Clermont.
    Philippe trembla de ce que son
grand-oncle allait bien pouvoir ajouter. « Il va m’appeler Madame et me
demander mon écharpe. »
    Mais Clermont continuait d’une voix
forte :
    — Je vous reconnais, Philippe,
parce que le mieux désigné

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