Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
en droit, et parce que le plus sage. Que veille sur
vous depuis le Ciel l’âme sainte de mon père, pour vous aider à garder paix au
royaume et défendre notre sainte foi.
    Un mouvement de stupéfaction
heureuse parcourut les rangs des barons. Que se passait-il donc dans la tête de
cet homme pour qu’il oscillât ainsi, sans transition, du délire à la raison, du
ridicule à la grandeur ?
    Il mit beaucoup de lenteur, beaucoup
de noblesse à s’agenouiller devant son petit-neveu, étendit les mains ;
lorsqu’il se releva et se retourna, ayant reçu l’accolade, ses vastes yeux
bleus étaient noyés de larmes.
    L’assemblée entière se mit debout et
fit une longue ovation aux deux princes.
    Philippe se trouvait confirmé dans
la régence par tout le royaume, à l’exception d’une province, la Bourgogne, et
d’un homme seul, Robert d’Artois.
     

XI

LES FIANCÉS JOUENT À CHAT PERCHÉ
    Quitter à grand fracas une assemblée
politique, pour marquer un désaccord, n’empêcha jamais le protestataire de
dîner ensuite à la même table que ses adversaires.
    En dépit de son éclat du matin, le
duc de Bourgogne, dûment prié, accepta de paraître au banquet de famille que le
comte de Poitiers offrait, ce même jour, au manoir de Vincennes.
    Or la famille de France, cousinage
et dignitaires compris, groupait plus d’une centaine de personnes qui se
transportèrent donc à Vincennes et s’assirent, entre haute et basse vesprée,
c’est-à-dire vers cinq heures de l’après-midi, autour de longues tables à
tréteaux couvertes de nappes blanches.
    La présence du duc de Bourgogne rendait
plus marquante l’absence de Robert d’Artois.
    — Mon fils est tombé faible en
sortant du Palais, tant les choses qu’il avait entendues lui avaient donné
tourment, dit Madame Blanche de Bretagne.
    — Tombé faible, vraiment ?
répondit Philippe de Poitiers. J’espère qu’il ne s’est pas blessé en chéant de
si haut !
    Nul ne s’étonna en revanche de ne
pas apercevoir le comte de Clermont, reconduit en hâte à sa demeure aussitôt
l’hommage rendu. On félicita Louis de Bourbon de la belle impression qu’avait
produite son père, en déplorant que la maladie de celui-ci, noble maladie
d’ailleurs puisqu’elle provenait d’un accident d’armes, ne lui permît pas une
participation plus fréquente aux affaires du royaume.
    Le repas s’ouvrit dans une relative
bonne humeur. Le connétable et le duc de Bourgogne avaient été placés à telle
distance que le feu entre eux ne pût reprendre. Valois pérorait pour son
compte.
    Le plus étonnant, en ce dîner, était
le nombre des enfants. Car Eudes de Bourgogne ayant posé comme condition à sa
venue que la petite Jeanne de Navarre serait présente, en réparation de
l’outrage à elle fait pendant l’assemblée, le comte de Poitiers avait tenu à
amener ses trois filles, et donc le comte de Valois ses plus jeunes rejetons,
et le comte d’Évreux son fils et sa fille qui en étaient encore à jouer aux
marionnettes, et le dauphin de Viennois son « dauphiniet » Guigues,
fiancé de la troisième fille du régent, et Louis de Bourbon ses enfants en âge
de marcher… On ne parvenait pas à s’y retrouver dans les prénoms ; les
Blanche et les Isabelle, les Charles et les Philippe foisonnaient ;
lorsque quelqu’un appelait : « Jeanne ! », six têtes se
tournaient à la fois.
    Tous ces cousins étaient destinés à
se marier entre eux, pour servir les combinaisons politiques de leurs parents,
qui avaient été, eux aussi, mariés de la même façon, dans la plus étroite
consanguinité. Que de dispenses il faudrait demander au pape pour faire passer
les intérêts territoriaux avant les décrets de la religion ! Et que
d’autres boiteux, que d’autres déments en perspective ! La seule
différence entre la descendance d’Adam et celle de Capet, était qu’en la
seconde on évitait encore de se reproduire entre frères et sœurs.
    Le dauphiniet et sa fiancée, la
petite Isabelle de Poitiers, qu’on n’appellerait bientôt plus qu’Isabelle de
France, offraient le spectacle de la plus touchante entente. Ils mangeaient au
même plat ; le dauphiniet choisissait pour sa future épouse les meilleurs
morceaux de ragoût d’anguille, en fouillant avec application dans la sauce, et
les lui mettait de force dans la bouche, lui barbouillant tout le visage. Les
autres bambins les enviaient beaucoup d’avoir déjà une situation

Weitere Kostenlose Bücher