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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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soutenu par ce
chicanier, violence ou truanderie commise par ce mauvais sujet, qu’elle
n’approuvât, n’admirât, comme la révélation d’un prodige vivant. Elle reçut,
donné par un signe de paupières, un remerciement muet du comte de Valois.
    Philippe de Poitiers, un peu incliné
sur l’accoudoir de son faudesteuil, agita lentement la main.
    — J’admire, Robert, j’admire,
dit-il, de vous voir si empressé aujourd’hui à suivre la volonté de mon père,
alors que vous fûtes si peu obéissant à sa justice, en son vivant. Les bons
sentiments vous viennent avec l’âge, mon cousin ! Soyez rassuré. C’est
précisément la volonté du roi Philippe que nous nous sommes efforcés de
respecter. N’est-il pas vrai, mon oncle ? ajouta-t-il à l’adresse de Louis
d’Évreux.
    Louis d’Évreux, qui depuis six
semaines s’opposait aux manœuvres de Valois et de Robert d’Artois, prit la
parole.
    — Le règlement sur lequel vous
vous fondez, Robert, vaut pour le principe, mais non indéfiniment pour la
personne. Que pareil accident, dans cinquante ou cent ans, survienne encore à
la couronne, ce ne sera pas mon frère Charles qu’on ira chercher pour régenter
le royaume… si longue vie que je lui souhaite. Notre sire Dieu n’a pas fait
Charles éternel tout exprès. Le règlement, en établissant que la régence
revient au frère le plus avancé en âge, désigne donc bien Philippe et c’est
pourquoi, l’autre jour, nous lui avons prêté hommage. Ne remettez donc pas en
question ce qui est tranché.
    On croyait Robert maté. C’était mal
le connaître. Il baissa légèrement la tête, offrant aux rayons du soleil qui
perçaient les vitraux ses cheveux de cuivre, coiffés en rouleaux sur sa large
nuque. Son ombre s’étendait sur les dalles, comme une menace, jusqu’aux pieds
du comte de Poitiers.
    — Les volontés du roi Philippe,
reprit-il, ne contenaient rien au sujet des filles royales, ni qu’elles eussent
à renoncer à leurs droits, ni que la décision fût remise à l’assemblée des
pairs.
    Un frémissement d’approbation agita
aussitôt les rangs des seigneurs de Bourgogne et de Champagne, et le duc Eudes
lui-même, sur l’estrade, s’écria :
    — Voilà qui est bien dit, mon
cousin, et c’est tout juste ce que j’allais clamer moi-même !
    Blanche de Bretagne, à nouveau,
lança autour d’elle ses petits regards pétillants. Le connétable commençait à
s’agiter sur son siège. On l’entendait grommeler, et ceux qui le connaissaient
bien prévoyaient un éclat.
    — Depuis quand, reprit le jeune
duc en se levant, cette novelleté a-t-elle été introduite dans nos
coutumes ? Depuis hier, je pense ! Depuis quand les filles, si les
fils viennent à manquer, devraient-elles être privées des possessions et
couronnes de leur père ?
    Le connétable à son tour se dressa.
    — Depuis le temps, messire duc,
dit-il avec une lenteur calculée, que certaine fille ne donne plus au royaume
la garantie d’être bien née de ce père dont on veut la faire hériter. Sachez
enfin ce qui se dit par le monde, et que notre cousin Valois nous a lui-même
souvent répété en Conseil étroit. La France est trop beau et trop grand pays,
messire duc, pour que l’on puisse, sans que les pairs en aient délibéré,
remettre la couronne à une princesse dont on ne sait si elle est fille de roi
ou fille d’écuyer.
    L’assemblée fit silence. Eudes de
Bourgogne était devenu blanc. On crut qu’il allait se lancer contre Gaucher de
Châtillon qui attendait, ramassé dans sa force de vieil homme de guerre. Mais
ce fut vers Charles de Valois que la colère du Bourguignon dévia.
    — Ainsi, mon cousin,
s’écria-t-il, vous qui avez choisi d’unir votre fils aîné à une autre de mes
sœurs, vous vous employez donc à honnir celle-là qui est morte ?
    — Eh, mon compère ! dit
Valois, pour ce qui est de se honnir, votre sœur Marguerite… que Dieu lui
pardonne ses péchés… n’a pas eu besoin de mon aide !
    Et, plus bas, il ajouta à l’adresse
de Gaucher de Châtillon :
    — Quel besoin aviez-vous de
m’aller mettre en cause !
    — Et vous, mon frère par le
mariage, continuait Eudes en désignant Philippe de Valois, approuvez-vous aussi
les vilenies que j’entends ?
    Philippe de Valois, empêtré de sa
grande taille et cherchant vainement des yeux le conseil de son père, souleva
les bras d’un geste d’impuissance, et se contenta de dire :
    — Il

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