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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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ta
tante.
    — Pourquoi ma tante ?
demanda l’orpheline.
    — Parce que je serai la femme
de ton oncle Eudes.
    Une des dernières filles du comte de
Valois, déjà dressée à tout répéter, se précipita dans le château, trouva son
père qui complotait en compagnie de Blanche de Bretagne et de quelques
seigneurs de son parti et lui rapporta ce qu’elle venait d’entendre. Charles se
leva, rejetant son siège derrière lui, et fonça, tête en avant, vers la pièce
où se tenait le régent.
    — Ah ! mon cher oncle,
vous êtes bienvenu ! s’écria Philippe de Poitiers ; j’allais justement
vous faire mander pour être témoin de notre accord.
    Et il lui tendit l’acte dont Miles
de Noyers venait de terminer ainsi la rédaction : «…pour signer ici avec
tous nos parents les conventions que nous venons défaire avec notre bon cousin
de Bourgogne, et par lesquelles nous nous accordons sur le tout. »
    Amère semaine pour l’ex-empereur de
Constantinople, qui n’eut qu’à s’exécuter. À sa suite, Louis d’Évreux, Mahaut
d’Artois, le dauphin de Viennois, Amédée de Savoie, Charles de La Marche, Louis
de Bourbon, Blanche de Bretagne, Guy de Saint-Pol, Henry de Sully, Guillaume
d’Harcourt, Anseau de Joinville et le connétable Gaucher de Châtillon,
apposèrent leur seing au bas des conventions.
    Le tardif crépuscule de juillet
tombait sur Vincennes. La terre et les arbres restaient imprégnés de la chaleur
de la journée. La plupart des hôtes étaient partis.
    Le régent alla faire quelques pas
sous les chênes, en compagnie de ses familiers les plus dévoués, ceux qui le
suivaient depuis Lyon et avaient assuré son triomphe. Ils plaisantaient un peu
sur l’arbre de Saint Louis qu’on ne parvenait pas à retrouver. Soudain, le
régent dit :
    — Messeigneurs, j’ai douce joie
au cœur ; ma bonne épouse, ce jour, a mis au monde un fils.
    Il respira profondément, avec
bonheur, avec délice, et comme si l’air du royaume de France lui avait vraiment
appartenu.
    Il s’assit sur la mousse. Le dos
appuyé à un tronc, il contemplait la découpure des feuilles sur le ciel encore
rose, lorsque le connétable de Châtillon arriva à grands pas.
    — Je viens vous apporter une
mauvaise nouvelle, dit-il.
    — Déjà ? fit le régent.
    — Votre cousin Robert s’est
emparti tout à l’heure pour l’Artois.
     

DEUXIÈME PARTIE

L’ARTOIS ET LE CONCLAVE
     

I

L’ARRIVÉE DU COMTE ROBERT
    Une douzaine de cavaliers, venant de Doullens
et conduits par un géant en cotte d’armes rouge sang, traversèrent au galop le
village de Bouquemaison et puis s’arrêtèrent à cent toises de là. La vue depuis
cet endroit découvrait un vaste plateau de terre à blé, coupé de vallonnements,
de hêtraies, et qui descendait par paliers vers un horizon de forêts.
    — Ici commence l’Artois,
Monseigneur, dit l’un des cavaliers, le sire Jean de Varennes, en s’adressant
au chef de la troupe.
    — Mon comté ! Voici enfin
mon comté, dit le géant. Voici ma bonne terre que depuis quatorze années je
n’ai pas foulée !
    Le silence de midi s’étendait sur
les champs écrasés de soleil. On n’entendait que la respiration des chevaux
soufflant après l’effort et le vol des bourdons ivres de chaleur.
    Robert d’Artois sauta brusquement à
bas de sa monture, dont il lança la bride à son valet Lormet, grimpa le talus
en écrasant les herbes, et entra dans le premier champ. Ses compagnons
restèrent immobiles, respectant la solitude de sa joie. Robert avançait de son
pas de colosse à travers les épis, déjà lourds et dorés, qui lui montaient aux
cuisses. De la main, il les caressait comme la robe d’un cheval docile ou les
cheveux d’une maîtresse blonde.
    — Ma terre, mon blé !
répétait-il.
    On le vit soudain s’abattre dans le
champ, s’y étendre, s’y vautrer, s’y rouler follement parmi les graminées comme
s’il voulait s’y confondre ; il mordait les épis, à pleines dents, pour
trouver au cœur du grain cette saveur laiteuse qu’il a un mois avant la
moisson ; il ne sentait même pas qu’il s’écorchait les lèvres aux barbes
du froment. Il s’enivrait de ciel bleu, de terre sèche et du parfum des tiges
croissantes, faisant autant de ravages, à lui seul, qu’une compagnie de
sangliers. Il se releva, superbe et tout froissé, et revint vers ses compagnons
le poing serré sur une glane brutalement arrachée.
    — Lormet, commanda-t-il à

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