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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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définitive, le miracle de la maternité autrement
qu’en figure de vitrail.
    Car s’il arrivait parfois qu’une
nonne fautât, cela ne se produisait pas aussi souvent que l’assuraient les
rimeurs publics en leurs chansons, et un nouveau-né dans un couvent des
Clarisses n’était quand même pas chose fréquente.
    — Le roi s’appelle Jean, comme
mon enfant, disait Marie. Ce fut toujours l’usage, dans ma famille, d’appeler
ainsi le premier-né.
    Elle voyait dans cette coïncidence
un heureux présage. Une nouvelle génération de garçons allait porter le prénom
du roi, d’autant plus frappant qu’il était nouveau pour la monarchie. À tous
les petits Philippe, à tous les petits Louis, succéderaient une infinité de
petits Jean à travers le royaume. « Le mien est le premier », pensait
Marie.
    Le hâtif crépuscule d’automne
commençait à tomber quand une jeune nonne pénétra dans la cellule.
    — Dame Marie, dit-elle, la mère
abbesse vous demande au parloir. Quelqu’un vous y attend.
    — Qui m’attend ?
    — Je ne sais, je n’ai point vu.
Mais je crois que vous allez partir.
    Le sang monta aux joues de Marie.
    — C’est Guccio, c’est
Guccio ! C’est le père… expliqua-t-elle aux novices. C’est mon époux qui
vient nous chercher, sûrement.
    Elle ferma la coulisse de son
corsage, remonta vivement ses cheveux en se regardant dans la fenêtre dont la
vitre lui servait de sombre miroir, mit sa chape sur ses épaules, hésita un
instant devant le berceau posé sur le sol. Devait-elle descendre l’enfant, pour
offrir aussitôt à Guccio la merveilleuse surprise ?
    — Voyez comme il dort, cet
angelot, dirent les petites novices. N’allez point l’éveiller ni lui faire
prendre froid ! Courez ; nous allons bien le veiller.
    — Ne le sortez pas de son
bercel, ne le touchez pas ! dit Marie.
    En descendant l’escalier, elle était
déjà torturée d’inquiétude maternelle. « Pourvu qu’elles n’aillent point
jouer avec lui et le laisser choir ! » Mais ses pieds volaient vers
le parloir, et elle s’étonnait de se sentir si légère.
    Dans la salle blanche, décorée
seulement d’un grand crucifix et éclairée par deux cierges qui doublaient
chaque objet, chaque forme, d’une ombre immense, la mère abbesse, les mains
croisées dans ses manches, parlait avec madame de Bouville.
    En apercevant la femme du curateur,
Marie éprouva plus qu’une déception ; elle eut la certitude immédiate,
inexplicable, absolue, que cette personne sèche, au visage grillagé de rides
verticales, lui apportait le malheur.
    Une autre que Marie se fût contentée
de penser qu’elle n’aimait pas madame de Bouville ; mais chez Marie de Cressay
tous les sentiments prenaient une tournure passionnée, et elle donnait à ses
sympathies ou à ses aversions la valeur de signes du destin. « Je suis
sûre qu’elle vient me faire du mal ! » se dit-elle.
    D’un regard aigu, sans
bienveillance, madame de Bouville l’examinait des pieds à la tête.
    — Quatre jours seulement que
vous avez fait vos couches, s’écria-t-elle, et vous voilà toute fraîche et rose
comme une églantine ! Je vous complimente, ma belle ; on vous dirait
déjà prête à recommencer. Dieu, en vérité, traite avec beaucoup de merci celles
qui méprisent ses commandements et semble réserver ses épreuves aux plus
méritantes. Car croirez-vous, ma mère, continua madame de Bouville se tournant
vers l’abbesse, que notre pauvre reine est restée plus de trente heures dans
les douleurs ? Ses cris me sonnent encore aux oreilles. Le roi s’est fort
mal présenté, et l’on a dû lui mettre les fers. Il s’en est fallu de peu qu’il
n’y reste, la mère aussi. C’est ce malheur qu’a eu Madame Clémence par la mort
de son époux qui est cause de tout ; et pour moi je tiens encore à miracle
que l’enfant soit né vivant. Mais quand le sort s’en mêle, il n’est rien qui ne
vienne à la traverse ! Voilà qu’Eudeline la lingère… vous savez bien…
    L’abbesse hocha la tête
discrètement. Elle gardait au couvent, parmi les petites novices, une enfant de
onze ans qui était la fille naturelle du Hutin et d’Eudeline.
    — … elle portait
grand-aide à la reine, qui la voulait sans cesse à son chevet, continua madame
de Bouville. Eh bien ! Eudeline s’est brisé le bras en tombant d’une
escabelle ; on l’a dû conduire à l’Hôtel-Dieu. Et maintenant, pour tout
couronner,

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