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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Le
couvent était un asile qu’elle ne pouvait laisser violer.
    — Non que j’approuve du tout la
conduite de ma parente, dit-elle ; mais elle a été commise à ma garde…
    — Par moi, ma mère !
s’écria madame de Bouville.
    — Ce n’est point raison pour
lui faire violence en ces murs. Marie ne sortira que de son gré, ou sur l’ordre
de l’Église.
    — Ou sur celui du roi !
Car vous êtes couvent royal, ma mère, ne l’oubliez pas. J’agis au nom de mon
époux ; si vous voulez un ordre du connétable, qui est tuteur du roi et
qui vient de rentrer à Paris, ou bien un ordre du régent-lui-même, messire
Hugues saura bien l’obtenir ; cela nous usera trois heures, mais on
m’obéira.
    L’abbesse prit madame de Bouville à
part pour lui assurer, à voix basse, que ce que Marie avait dit à propos du
pape n’était pas complètement faux.
    — Et que m’importe ! dit
madame de Bouville. C’est le roi qu’il me faut faire vivre et je n’ai qu’elle
sous la main.
    Elle sortit, alla appeler ses hommes
d’escorte et leur commanda d’empoigner la rebelle.
    — Vous m’êtes témoin, Madame,
dit l’abbesse, que je n’ai point donné mon accord à cet enlèvement.
    Marie, se débattant à travers la
cour, entre deux écuyers, qui l’entraînaient, criait :
    — Mon enfant ! Je veux mon
enfant !
    — C’est vrai, dit madame de
Bouville. Il faut lui laisser prendre son enfant. À se rebeller ainsi, elle
nous fait tout oublier.
    Quelques minutes plus tard, Marie,
ayant à la hâte rassemblé ses hardes et tenant son nouveau-né serré contre
elle, franchissait, en sanglots, la porte de l’hôtellerie.
    Dehors, deux litières attelées
attendaient.
    — Voyez donc ! s’écria
madame de Bouville. On vient la quérir en litière, comme une princesse, et cela
crie et vous cause mille embarras !
    Environnée par la nuit, cahotée au
trot des mules, pendant plus d’une heure, dans une boîte de bois et de tapisserie
aux rideaux battants par lesquels s’engouffrait le froid de novembre, Marie
rendait grâce à ses frères de l’avoir obligée à prendre sa grande chape en
partant de Cressay. Avait-elle assez souffert alors de la chaleur, sous cette
lourde étoffe, en arrivant à Paris ! « Je ne quitterai donc nul lieu
sans malheur et sans larmes, se disait-elle. Ai-je mérité qu’on s’acharne ainsi
sur moi ? »
    Le nourrisson dormait, enveloppé
dans les gros plis de la chape. À sentir cette petite vie, inconsciente et
tranquille, nichée au creux de sa poitrine, Marie, lentement, retrouvait sa
raison. Elle allait voir la reine Clémence ; elle lui parlerait de
Guccio ; elle lui montrerait le reliquaire. La reine était jeune ;
elle était belle et pitoyable aux infortunes… « La reine… c’est l’enfant
de la reine que je vais nourrir !… » pensait Marie se représentant
enfin tout l’étrange et l’inespéré de cette aventure que l’autorité agressive
de madame de Bouville ne lui avait montrée que sous un aspect odieux…
    Le grincement d’un pont-levis qu’on
abaissait, le pas assourdi des chevaux sur le bois des madriers, puis le
claquement de leurs fers sur les pavés d’une cour… Marie fut invitée à
descendre, passa entre les soldats en armes, suivit un couloir de pierre mal
éclairé, vit apparaître un gros homme en cotte de mailles qu’elle reconnut pour
le comte de Bouville. Autour de Marie, on chuchotait ; elle entendit le
mot de « fièvre » plusieurs fois prononcé. On lui fit signe de
marcher sur la pointe des pieds ; une tenture fut soulevée.
    En dépit de la maladie, les usages,
dans la chambre de gésine, avaient été respectés. Mais comme la saison des
fleurs était passée, on n’avait pu répandre sur le sol qu’un tardif feuillage
jauni qui commençait déjà à pourrir sous les piétinements. Autour du lit, les
sièges étaient disposés pour des visiteurs qui ne viendraient pas. Une
ventrière se tenait là, froissant dans ses doigts des herbes aromatiques. Dans
la cheminée, sur des trépieds de fer, bouillaient des décoctions grisâtres.
    Du berceau, placé dans un angle, ne
venait aucun bruit.
    La reine Clémence gisait étendue sur
le dos, les cuisses relevées par la douleur et bosselant les draps. Les
pommettes étaient rouges, les yeux brillants. Marie remarqua surtout l’immense
chevelure d’or éparse sur les coussins, et ce regard ardent qui ne semblait pas
voir ce qu’il contemplait.
    — J’ai

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