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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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reine
prononcer :
    — Messire Jean, je vous dois
tout, et d’abord d’être ici.
    Mortimer se renfrogna, se montra
sombre, brusque, distant, pendant tout le reste du parcours, et encore
lorsqu’on fut parvenu chez les moines de Walton et que chacun s’installa, qui
dans le logis abbatial, qui dans l’hôtellerie, et la plupart des hommes d’armes
dans les granges. À ce point que la reine Isabelle, lorsqu’elle se retira au
soir avec son amant, lui demanda :
    — Mais qu’avez-vous eu, toute
cette fin de journée, gentil Mortimer ?
    — J’ai, Madame, que je croyais
avoir bien servi ma reine et mon amie.
    — Et qui vous a dit, beau sire,
que vous ne l’avez point fait ?
    — Je pensais, Madame, que
c’était à moi que vous deviez votre retour en ce royaume.
    — Mais qui a prétendu que je ne
vous le devais point ?
    — Vous-même, Madame, vous-même,
qui l’avez déclaré devant moi à messire de Hainaut, en lui rendant grâces de
tout.
    — Oh ! Mortimer, mon doux
ami, s’écria la reine, comme vous prenez ombrage de toute parole ! Quel
mal y a-t-il vraiment à remercier qui vous oblige ?
    — Je prends ombrage de ce qui
est, répliqua Mortimer. Je prends ombrage des paroles comme je prends ombrage
aussi de certains regards dont j’espérais, loyalement, que vous ne les deviez
adresser qu’à moi. Vous êtes fleureteuse, Madame, ce que je n’attendais point.
Vous fleuretez !
    La reine était lasse. Les trois
jours de mauvaise mer, l’inquiétude d’un débarquement fort aventureux et, pour
finir, cette course de quatre lieues, l’avaient mise à suffisante épreuve.
Connaissait-on beaucoup de femmes qui en eussent supporté autant, sans jamais
se plaindre ni causer de souci à personne ? Elle attendait plutôt un
compliment pour sa vaillance que des remontrances de jalousie.
    — Quel fleuretage, ami, je vous
le demande ! dit-elle avec impatience. L’amitié chaste que messire de
Hainaut m’a vouée peut porter à rire, mais elle vient d’un bon cœur ; et
n’oubliez pas en outre qu’elle nous vaut les troupes que nous avons ici.
Souffrez donc que sans l’encourager j’y réponde un peu, car comptez donc nos
Anglais, et comptez ses Hennuyers. C’est pour vous aussi que je souris à cet
homme qui vous irrite tant !
    — À mal agir, on découvre
toujours quelque bonne raison. Messire de Hainaut vous sert par grand amour, je
le veux bien, mais non jusqu’à refuser l’or dont on le paye pour cela. Il ne
vous est donc point besoin de lui offrir si tendres sourires. Je suis humilié
pour vous de vous voir déchoir de cette hauteur de pureté où je vous plaçais.
    — Cette hauteur de pureté, ami
Mortimer, vous n’avez pas paru blessé que j’en déchusse, le jour que ce fut
dans vos bras.
    C’était leur première brouille.
Fallait-il qu’elle éclatât justement ce jour-là qu’ils avaient tant espéré, et
pour lequel pendant tant de mois, ils avaient uni leurs efforts ?
    — Ami, ajouta plus doucement la
reine, cette grande ire qui vous prend ne viendrait-elle pas de ce que je vais
à présent être à moins de distance de mon époux, et que l’amour nous sera moins
facile ?
    Mortimer baissa le front que
barraient ses rudes sourcils.
    — Je crois en effet, Madame,
que maintenant que vous voici sur le sol de votre royaume, il nous faut faire
couche séparée.
    — C’est tout juste ce dont
j’allais vous prier, doux ami, répondit Isabelle.
    Il passa la porte de la chambre. Il
ne verrait pas sa maîtresse pleurer. Où étaient-elles, les heureuses nuits de
France ?
    Dans le couloir du logis abbatial,
Mortimer rencontra le jeune prince Édouard, portant un cierge qui éclairait son
mince et blanc visage. Était-il là pour épier ?
    — Vous ne dormez donc point, my
Lord ? lui demanda Mortimer.
    — Non, je vous cherchais, my
Lord, pour vous prier de me dépêcher votre secrétaire… Je voudrais, ce soir de
mon retour au royaume, envoyer une lettre à Madame Philippa…
     

II

L’HEURE DE LUMIÈRE
    « À très bon et puissant
seigneur Guillaume, comte de Hainaut, Hollande et Zélande.
    « Mon très cher et très aimé
frère, en la garde de Dieu, salut.
    « Or nous étions encore à
mettre sur pied nos bannières autour du port marin de Harwich, et la reine à
camper en l’abbaye de Walton, quand la bonne nouvelle nous est parvenue que
Monseigneur Henry de Lancastre, qui est cousin au roi Édouard et qu’on appelle
communément ici

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