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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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bientôt de
goûter la sécurité de la Tour, et il s’est enfui avec ce petit nombre pour
aller lever une armée en Galles, non sans avoir fait publier auparavant, le
trentième jour de septembre, les bulles d’excommunication que notre Saint-Père
le pape lui avait délivrées contre ses ennemis. Ne prenez nulle inquiétude de
cette publication, très aimé frère, si la nouvelle vous en parvient ; car
les bulles ne nous concernent point ; elles avaient été demandées par le
roi Édouard contre les Escots, et nul n’a été dupe du faux usage qu’il en a
fait ; aussi nous donne-t-on communion comme avant, et les évêques tout
les premiers.
    « En fuyant Londres si
piteusement, le roi a laissé le gouvernement à l’archevêque Reynolds, à l’évêque
John de Stratford et à l’évêque Stapledon, diocésain d’Exeter et trésorier de
la couronne. Mais devant la hâte de notre avance, l’évêque de Stratford est
venu présenter sa soumission à la reine Isabelle, tandis que l’archevêque
Reynolds, depuis le Kent où il s’était réfugié, envoyait demander pardon. Seul
donc l’évêque Stapledon est demeuré à Londres, croyant s’y être acquis par ses
vols des défenseurs à suffisance. Mais la colère de la ville a grondé contre
lui et, quand il s’est décidé à fuir, la foule jetée à sa poursuite l’a rejoint
et l’a massacré dans le faubourg de Cheapside, où son corps fut piétiné jusqu’à
n’être plus reconnaissable.
    « Ceci est advenu le quinzième
jour d’octobre, alors que la reine était à Wallingford, une cité entourée de remparts
de terre où nous avons délivré messire Thomas de Berkeley qui est gendre à
Monseigneur de Mortimer. Quand la reine a eu nouvelle de la fin de Stapledon,
elle a dit qu’il ne convenait point de pleurer le trépas d’un si mauvais homme,
et qu’elle en avait plutôt joie, car il lui avait nui moultement. Et
Monseigneur de Mortimer a bien déclaré qu’il en irait ainsi de tous ceux qui
avaient voulu leur perte.
    « L’avant-veille, en la ville
d’Oxford, qui est encore plus fournie de clercs que la ville de Cambridge,
messire Orleton, évêque de Hereford, était monté en chaire devant ma Dame
Isabelle, le duc d’Aquitaine, le comte de Kent et tous les seigneurs, pour
prononcer un grand sermon sur le sujet « Caput meum doleo », qui est
parole tirée des Écritures dans le saint livre des Rois, à dessein de signifier
que la maladie dont souffrait le corps d’Angleterre logeait dans la tête dudit
royaume, et que c’était là qu’il convenait d’appliquer le remède.
    « Ce sermon fit profonde
impression sur toute l’assemblée qui entendit dépeindre et dénombrer les plaies
et douleurs du royaume. Et encore que pas une fois, en une heure de parole,
messire Orleton n’eût prononcé le nom du roi, chacun l’avait en pensée pour
cause de tous ces maux ; et l’évêque s’est écrié enfin que la foudre des
Cieux comme le glaive des hommes devaient s’abattre sur les orgueilleux
perturbateurs de la paix et les corrupteurs des rois. C’est un homme de grand
spirituel que ledit Monseigneur de Hereford, et je m’honore de lui parler
souvent, bien qu’il ait l’air pressé lorsqu’il est à converser avec moi ;
mais je recueille toujours quelque bonne sentence de ses lèvres. Ainsi m’a-t-il
dit l’autre jour : « Chacun de nous a son heure de lumière dans les
événements de son siècle. Une fois c’est Monseigneur de Kent, une fois c’est
Monseigneur de Lancastre, et tel autre auparavant et tel autre ensuite, que
l’événement illumine pour la décisive part qu’il y prend. Ainsi se fait
l’histoire du monde. Ce moment où nous sommes, messire de Hainaut, peut être
bien votre heure de lumière. »
    « Le surlendemain du prêche, et
dans la suite de la commotion qu’il avait donnée à tous, la reine a lancé de
Wallingford une proclamation contre les Despensiers, les accusant d’avoir
dépouillé l’Église et la couronne, mis à mort injustement nombre de loyaux
sujets, déshérité, emprisonné et banni des seigneurs parmi les plus grands,
opprimé les veuves et les orphelins, accablé le peuple de tailles et
d’exactions.
    « On apprit dans le même temps
que le roi, qui avait d’abord couru se réfugier en la ville de Gloucester
laquelle appartient au Despensier le Jeune, était passé à Westbury, et que là
son escorte s’était séparée. Le Despensier le Vieux s’est

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