La Louve de France
participer au
tournoi.
En mars fut enfin signé avec la
France le traité qui réglait la question d’Aquitaine, au plus grand détriment
de l’Angleterre. Il était impossible à Mortimer de refuser au nom
d’Édouard III les clauses qu’il avait naguère lui-même négociées pour
qu’elles fussent imposées à Édouard II. On soldait ainsi l’héritage du
mauvais règne. De plus Mortimer s’intéressait peu à la Guyenne où il n’avait
pas de possessions, et toute son attention à présent se reportait, comme avant
son emprisonnement, vers le Pays de Galles et les Marches galloises.
Les envoyés qui vinrent à Paris
ratifier le traité virent le roi Charles IV fort triste et défait, parce
que l’enfant qui était né à Jeanne d’Évreux au mois de novembre précédent, une
fille alors qu’on espérait si fort un garçon, n’avait pas vécu plus de deux
mois.
L’Angleterre, vaille que vaille, se
remettait en ordre quand le vieux roi d’Ecosse, Robert Bruce, bien que déjà
fort avancé en âge et de surcroît atteint de la lèpre, envoya vers le 1 er avril, douze jours avant Pâques, défier le jeune Édouard III et l’avertir
qu’il allait envahir son pays.
La première réaction de Roger
Mortimer fut de faire changer l’ex-roi Édouard II de résidence. C’était
prudence. En effet, on avait besoin d’Henry de Lancastre à l’armée, avec ses
bannières ; et puis Lancastre, d’après les rapports qui venaient de
Kenilworth, semblait traiter avec trop de douceur son prisonnier, relâchant la
surveillance et laissant à l’ancien roi quelques intelligences avec
l’extérieur. Or les partisans des Despensers n’avaient pas tous été exécutés,
tant s’en fallait. Le comte de Warenne, plus heureux que son beau-frère le
comte d’Arundel, avait pu s’échapper. Certains se terraient dans leurs manoirs
ou bien dans des demeures amies, attendant que l’orage fût passé ; d’autres
avaient fui le royaume. On pouvait se demander même si le défi lancé par le
vieux roi d’Ecosse n’était pas de leur inspiration.
D’autre part, le grand enthousiasme
populaire qui avait accompagné la libération commençait à décroître. De
gouverner depuis six mois, Roger Mortimer était déjà moins aimé, moins
adulé ; car il y avait toujours des impôts, et des gens qu’on emprisonnait
parce qu’ils ne les payaient pas. Dans les cercles du pouvoir, on reprochait à
Mortimer une autorité tranchante qui s’accentuait de jour en jour, et les
grandes ambitions qu’il démasquait. À ses propres biens repris sur le comte
d’Arundel, il avait ajouté le comté de Glamorgan ainsi que la plupart des
possessions de Hugh le Jeune. Ses trois gendres – car Mortimer avait déjà
trois filles mariées – le lord de Berkeley, le comte de Charlton, le comte
de Warwick, étendaient sa puissance territoriale. Reprenant la charge de Grand
Juge de Galles, autrefois détenue par son oncle de Chirk, ainsi que les terres
de celui-ci, il songeait à se faire créer comte des Marches, ce qui lui eût
constitué, à l’ouest du royaume, une fabuleuse principauté quasi indépendante.
Il avait en outre réussi à se
brouiller, déjà, avec Adam Orleton. Ce dernier, dépêché en Avignon pour hâter
les dispenses nécessaires au mariage du jeune roi, avait sollicité du pape
l’important évêché de Worcester, vacant en ce moment-là. Mortimer s’était
offensé de ce qu’Orleton ne lui eût pas demandé un agrément préalable, et avait
fait opposition. Édouard II ne s’était pas comporté autrement envers le
même Orleton, pour le siège de Hereford !
La reine subissait forcément le même
recul de popularité.
Et voilà que la guerre se rallumait,
la guerre d’Ecosse, une fois de plus. Rien donc n’était changé. On avait trop
espéré pour n’être pas déçu. Il suffisait d’un revers des armées, d’un complot
qui fit évader Édouard II, et les Écossais, alliés pour la circonstance à
l’ancien parti Despenser, trouveraient là un roi tout prêt à remettre sur son
trône et qui leur abandonnerait volontiers les provinces du nord en échange de
sa liberté et de sa restauration [50] .
Dans la nuit du 3 au 4 avril,
l’ancien roi fut tiré de son sommeil et prié de s’habiller en hâte. Il vit
entrer un grand cavalier dégingandé, osseux, aux longues dents jaunes, aux
cheveux sombres et raides tombant sur les oreilles.
— Où me conduis-tu,
Maltravers ? dit
Weitere Kostenlose Bücher