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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Temple,
par la rue de la Verrerie, il y avait peu de distance. Chemin faisant, Guccio
racontait à l’enfant comment il était allé à Naples, avec le comte de Bouville…
le gros seigneur, tu sais, que nous avons visité l’autre jour et qui t’a
embrassé… afin de demander cette princesse en mariage pour le roi Louis Dixième
qui était mort à présent. Et comment lui-même, Guccio, s’était trouvé auprès de
Madame Clémence sur le bateau qui la conduisait en France, et comment il avait
manqué de périr dans une grande tempête avant d’aborder à Marseille.
    — Et ce reliquaire, que tu
portes au cou, me fut donné par elle pour me remercier de l’avoir sauvée de la
noyade.
    Et ensuite, quand la reine Clémence
avait eu un fils, c’était la mère de Giannino qui avait été choisie pour
nourrice.
    — Ma mère ne m’en a jamais rien
dit, s’écria l’enfant surpris. Ainsi elle connaissait aussi Madame
Clémence ?
    Tout cela était bien compliqué.
Giannino aurait aimé savoir si Naples était en Hongrie. Et puis il y avait des
passants qui les bousculaient ; une phrase commencée restait en
suspens ; un marchand d’eau, avec le tintamarre de ses seaux, interrompait
une réponse. Il était bien difficile à l’enfant de faire de l’ordre dans le
récit… « Ainsi tu es le frère de lait du petit roi Jean le Posthume qui
mourut à cinq jours… »
    Frère de lait, cela Giannino
comprenait bien ce que c’était. À Cressay il en entendait parler tout le
temps ; des frères de lait, il y en a plein la campagne. Mais frère de
lait d’un roi ? Il y avait matière à rester songeur. Car un roi, c’est un
homme grand et fort, avec une couronne en tête… Il n’avait jamais pensé que les
rois pussent avoir des frères de lait, ni même être jamais de petits enfants.
Quant à « posthume »… un autre mot bizarre, lointain comme la
Hongrie.
    — Ma mère ne m’en a jamais rien
dit, répéta Giannino.
    Et il commençait à en vouloir à sa
mère de tant de choses étonnantes qu’elle lui avait cachées.
    — Et pourquoi cela s’appelle le
Temple, où nous allons ?
    — À cause des Templiers.
    — Ah ! oui ! je
sais ; ils crachaient sur la croix, ils adoraient une tête de chat, et ils
empoisonnaient les puits pour garder tout l’argent du royaume.
    Il tenait cela du fils du charron
qui répétait les propos de son père qui les tenait lui-même de Dieu sait qui.
Il n’était pas aisé pour Guccio, dans cette foule et en si peu de temps, d’expliquer
à son fils que la vérité était un peu plus subtile. Et l’enfant ne comprenait
pas pourquoi la reine qu’on allait voir habitait chez d’aussi vilaines gens.
    — Ils n’y habitent plus, figlio
mio. Ils n’existent plus ; c’est l’ancienne demeure du grand-maître.
    — Maître Jacques de
Molay ? C’était lui ?
    — Fais les cornes, fais les
cornes avec les doigts, mon garçon, quand tu prononces ce nom-là !… Donc
les Templiers ont été supprimés, brûlés ou chassés, le roi a pris le Temple qui
était leur château…
    — Quel roi ?
    Il ne s’y retrouvait plus, le pauvre
Giannino, parmi tant de souverains !
    — Philippe le Bel.
    — Tu l’as vu, toi, le roi le
Bel ?
    L’enfant en avait entendu parler, de
ce roi terrifiant et maintenant si hautement respecté ; mais cela faisait
partie de toutes les ombres d’avant sa naissance. Et Guccio fut attendri.
    « C’est vrai, pensa-t-il, il
n’était pas né ; pour lui, cela veut dire autant que Saint
Louis ! »
    Et comme la presse ralentissait
leurs pas :
    — Oui, je l’ai vu, répondit-il.
J’ai même manqué de le renverser, dans une de ces rues, à cause de deux
lévriers que je promenais en laisse, le jour de mon arrivée à Paris, il y a
douze ans.
    Et le temps lui reflua sur les
épaules comme une grosse vague soudaine qui vous submerge et puis s’éparpille.
Une écume de jours s’écroula autour de lui. Il était un homme, déjà, qui
racontait ses souvenirs !
    — Donc, continua-t-il, la
maison des Templiers est devenue la propriété du roi Philippe le Bel, et après
du roi Louis, et après du roi Philippe le Long qui a précédé le roi d’à
présent. Et le roi Philippe le Long a donné le Temple à la reine Clémence, en
échange du château de Vincennes qu’elle avait reçu par testament de son époux
le roi Louis [41] .
    — Padre mio, je voudrais une
oublie.
    Il avait senti une bonne odeur de
gaufre

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