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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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hucha l’un des convives.
    — Weidman’s heil ! Weidman s heil ! » répondirent les autres. À chaque pays ses coutumes, me dis-je.
    Nous avions à peine le temps de nous essuyer la bouche sur les bords des nappes que nos gobelets d’argent et d’étain étaient remplis par les échansons. D’autres « santés » furent ainsi portées aux sires de Girsberg, de Rappolstein et… à tous les hôtes présents ou absents.
     
    Le comte d’Œttingen, Foulques et moi eûmes droit aux places d’honneur sises de part et d’autre du petit côté de l’immense table dressée en U, adossée à la monumentale cheminée. Nous fûmes ainsi soumis à un feu d’enfer qui avait été affoué dès le matin.
    Foulques de Montfort siégeait à la dextre de son ami, Raymond de Carsac à ses côtés, la comtesse et moi à senestre. De sorte que j’eus tout loisir pour en découvrir la juvénile beauté, jouir de ses yeux d’une couleur plus claire que les noisettes, légèrement fendus en amandes, et dont le contour était à peine souligné par un trait ocre, humer le discret parfum aux essences d’ambre et de genièvre qui émanait d’une gorge vers laquelle je ne pus empêcher mes yeux de s’espincher à plusieurs reprises. Avant d’admirer le blond cendré de longs cheveux tressés en nattes sous sa coiffe.
    Ah ! Si ma douce mie Marguerite avait été de la fête, elle m’aurait vertement tancé lorsque nous nous serions retrouvés à huis clos… Mais ce jour d’hui, mon épouse devait se livrer à d’autres farmacies en notre lointaine baronnie et ne pouvait observer le manège auquel je me livrai pour m’attirer les faveurs de la belle comtesse…
     
    Trois dogues allemands lorgnaient les reliefs du magnifique banquet que des pages et des écuyers tranchants commencèrent à servir sur des plateaux d’argent, brandis haut pour que tous les convives en apprécient les couleurs riches et flamboyantes.
    Pour la mise en bouche, nous eûmes droit à du bouillon de poule fortement relevé, à des carpes farcies à la mode des juifs, si peu cuites qu’elles mirent mes amis welche en grande inquiétude sur la suite du repas.
    Après la première issue, des œufs d’esturgeon, des filets de sandre, de saumon de la mer Baltique et de lamproie, des ablettes marinées dans des graines pillées aux herbes du marais précédèrent, pour la troisième issue, cailles farcies, pigeons rôtis, faisans et cuisses de chevreuil, cochons sauvages, fruits de précédentes chasses.
    Les dogues, la bave aux lèvres, les pupilles dilatées, se jetèrent voracement, avec des jappements de plaisir, sur les cartilages, les os et les morceaux entiers que les uns et les autres leur balançaient de loin, pour éviter d’être happés par leurs puissantes mâchoires. À un claquement de doigts du maître des lieux, ils se couchèrent incontinent à ses pieds. Nous comprîmes tous que l’heure des agapes était passée pour eux et qu’il serait malséant de passer outre.
    Les tranchoirs de pain firent place, pour la quatrième issue, à des écuelles d’argent étamé où l’on servit tartes de pommes, de poires, de mirabelles enrichies de confitures de fraise, de framboise et de myrtilles… le tout copieusement arrosé de vin de Haute Alsace et de la vallée du Rhin fraîchement mis en perce.
     
    Dès la deuxième issue, des ménestriers, des jongleurs, des saltimbanques, des trouvères rivalisèrent d’exploits ou de paroles dans l’espace intérieur des tables. Je redoutai le moment où notre hôte me prierait de me donner aussi en spectacle.
    Sur l’heure, je ne leur prêtai qu’une attention discrète. Mes sens étaient tout à trac tournés vers la comtesse. D’origine lorraine, elle s’exprimait en un français qui, bien que précieux, témoignait d’une belle instruction. J’eus ainsi tout le loisir de répondre à ses questions sur la vie en notre duché d’Aquitaine et de l’interroger sur celle d’un pays dont je découvrais la beauté et la douceur. Elle me répondit en plongeant ses yeux mordorés dans les miens qu’elle s’ennuyait souventes fois dans cette lugubre forteresse. Les fortes chaleurs de l’été ne parvenaient guère à réchauffer son cœur, tandis que les froideurs glacées de l’hiver couvraient les murs d’une humidité visible par le ruissellement des pierres sous les tentures, de l’automne à la fin du printemps.
    « Fort heureusement, messire le comte, mon mari, pour lequel

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