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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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discrète excavation avait été ménagée dans l’épaisseur du volume et moulait les contours d’une clef qui était sortie de son logement sous le choc.
    Elle brillait à présent de mil feux, sur le sol, à la lumière des chandeliers qui la dominaient et dont la flamme s’inclinait vers elle en un respectueux hommage.
    En descendant précipitamment les dernières marches, Ludwig se prit les pieds et faillit bien s’étaler de tout son long sur les codex, au risque de les éclater. Ses bras brassèrent l’air, telles les ailes d’un moulin à vent, avant qu’il ne réussisse à saisir l’un des barreaux de l’échelle. Il me lança un bref coup d’œil inquiet, le visage plus blanc que l’amidon. Je lui souris benoîtement et replongeai incontinent le nez dans mon traité de navigation, l’air de rien. Il me tourna le dos et se plaça ostensiblement entre la clef, les ouvrages et moi, puis s’affaira pour remettre vivement le tout en place.
    La clef avait disparu. Le tabernacle aussi. Ne gisait plus qu’un bout de parchemin, vierge de toute écriture, qui s’était sans doute déchiré en s’écrasant sur le parquet.
    Avais-je entrevu la clef du tabernacle ? Et le précieux chilindre n’était-il pas justement en sûreté à l’intérieur de ce coffre ? J’en aurais le cœur net. Inutile de dire que j’avais pris l’azimut de l’endroit où se trouvait la cachette…
     
    Lorsqu’on nous fit parvenir notre souper, j’invitai ce bon frère Ludwig à partager ma cruche de cette merveilleuse bière de houblon qui n’avait certainement pas été brassée à l’eau putride de la rivière Nogat. Son col était plus mousseux, plus blanc et plus épais que le gris mantel d’icelui.
    Pour se remettre de ses émotions, il ne regimba pas et accepta, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, de déglutir quelques bonnes rasades dans mon godet. Point trop cependant, il aurait été malvenu et inopportun qu’il attirât l’attention des autres frères par un pas chancelant en se rendant à l’office !
    En quittant la librairie, frère Ludwig déverrouillait et reloquait toujours sa porte pendant son absence. Lorsque la cloche de la chapelle appela les frères à l’office, il ne le fit pas ce soir-là. Et pour cause : j’avais caché la clef.
    Après avoir hésité un instant et avoir promené son regard alentour, il haussa les épaules et sortit.
    Sur un coffre, près de nos châlits, il y avait, non pas une clepsydre, mais une forte bougie graduée qui restait allumée jour et nuit. Elle indiquait avec une grande précision les heures et les demi-heures à mesure que la cire fondait, image de l’écoulement d’une vie qui ne durait que vingt-quatre heures, mais qui ressuscitait tous les jours.
     
    Je décidai de passer à l’action ce soir-là, non sans sentir un léger bourdonnement dans les oreilles. Vêtu de mon surcot noir, je refermai à clef la porte de la librairie derrière moi. Un courant d’air glacial me fouetta le visage lorsque j’eus franchi une autre porte au bout d’un long couloir.
    Je m’avançais à pas de loup sur l’épaisse couche de neige en rasant les murs et en espérant qu’il n’y aurait pas de garde aposté sur le passage extérieur qui menait au dortoir des frères-chevaliers.
    Mais j’avais négligé tout-à-trac que mes pas laisseraient de magnifiques empreintes ! J’en eus des sueurs froides. Pourvu qu’il neige derechef cette nuit ! Le ciel, d’un noir d’encre, était constellé d’étoiles. Pas un nuage en vue. Au détour d’un bâtiment, une belle lune ronde me découpa d’une clarté blafarde du haut des murs colossaux du Mittelsburg et mon ombre s’allongea démesurément, ne serait-ce que pour me faire un pied de nez et attirer l’attention.
    Un cri strident cingla l’air. Je sursautai et aurais desforé l’épée si j’en avais porté une. À deux pas, une forme noire me fixa un court instant de ses yeux luisants et me frôla avant de détaler. Un rat. Encore heureux qu’il n’ait pas pris mes mollets pour de la chair à pastés !
    En quelques enjambées décidées, les battements de mon cœur s’accélérant dans ma poitrine, le souffle court, je pénétrai dans le dortoir, un goût amer dans la bouche. Le goût acide de la peur.
    Je me dirigeai droit vers le châlit du grand maître qui, en raison d’importants travaux de réfection dans ses appartements, avait déserté depuis son retour le Hochburg où il résidait

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