La lumière des parfaits
développées et consolidées.
Je n’avais encore trouvé que peu de choses sur le Temple. À l’exception de deux anecdotes qui ne m’étaient pas apparues comme essentielles lors d’une première lecture superficielle. J’en avais cependant gardé souvenir dans un coin reculé de ma mémoire. Bien m’en avait pris ; elles méritaient une étude plus attentive, une étude qui m’ouvrit bien des portes quelques heures plus tard.
Les trois ordres militaires et religieux, Templiers, Hospitaliers et Teutoniques relevaient tous du Saint-Siège. Mais ils avaient entretenu à l’époque de leur présence dans les États latins d’Orient, pendant deux siècles, des relations tantôt amicales, tantôt conflictuelles, au gré de ce qu’ils pensaient être leurs intérêts militaires ou commerciaux, au gré des alliances longuement négociées avec les Mongols, les Syriens, les Égyptiens, les Turcs et autres tribus ottomanes… Des alliances qui duraient le temps d’un feu de paille, promptement renversées et renégociées avec d’autres factions rivales parmi les nombreuses peuplades et ethnies qui composaient un tissu social bigarré, dont eux seuls étaient capables d’assurer l’unité.
Sans parler des conseils parfois obscurs ou abscons qui leur étaient soufflés par le pape, par l’empereur, par le roi de France ou par les multiples factions qui germaient comme des graines de chiendent et rivalisaient d’ingéniosité pour élargir leurs domaines, leurs comptoirs, qu’ils soient pisans, vénitiens ou génois, ou pour arrondir leurs bénéfices personnels.
Sans esprit d’unité dans la défense commune d’un royaume qu’ils devaient défendre et que d’aucuns pillaient ou laissaient piller sans vergogne.
Après la mort du grand maître teutonique Hermann von Salza, en l’an 1239, la fonction fut conférée à Conrad de Thuringe. Il passa les pieds outre un an plus tard et Gerhard von Malberg lui succéda. Pendant quatre ans. Or, ce grand maître, très lié aux frères Templiers, voulait à tout prix réconcilier les deux ordres. En gage de sa bonne volonté, le grand maître du Temple lui avait confié une relique d’une valeur inestimable : un parchemin scellé portant le sceau du Temple enchâssé dans un chilindre de cuivre et de plomb, serti d’or et d’argent et muni d’une serrure, en lui déclarant solennellement : « Maître, voici le gage de notre amitié indissoluble. La vraie Parole de Dieu que le Vatican tente de s’approprier par tous les moyens. Notre sauf conduit pour la Vie étemelle. »
La clef en avait été confiée au grand maître teutonique. Il l’aurait déposée incontinent dans le coffre contenant le trésor de l’Ordre de Sainte-Marie des Allemands. Avant de s’engager, près de la ville de Gaza, aux côtés des Francs contre les forces égyptiennes que commandait le mameluk Baïbars, lors de la bataille de Herbiya, le 17 octobre 1244, qui suivit la chute de la ville sainte de Jérusalem.
L’armée chrétienne fut totalement décompissée. Le grand maître du Temple, Armand de Pierregord, et son maréchal, Hugues de Montbard, trouvèrent la mort ainsi que trois cent douze de ses frères-chevaliers ; celui de l’Hôpital, Guillaume de Chateauneuf, fut fait prisonnier, mais trois cent vingt-cinq frères-chevaliers furent occis au combat. Quant aux Teutoniques, la quasi-totalité de leurs rangs fut mortellement décharpie, à l’exception de trois d’entre eux, qui purent s’échapper avec leur grand maître Gerhard von Malberg.
Icelui aurait eu un comportement ambigu en relinquant l’affrontement. Avait-il fait preuve de récréance ? Ce n’était écrit. Accusé ensuite de mœurs dissolues, il fut destitué et se réfugia chez… les Templiers !
Avec une population de quarante mil habitants, la ville de Saint-Jean d’Acre disposait de quelque quinze mil défenseurs ; elle avait reçu en l’an de grâce 1289, de nombreux renforts, environ quatre mil croisés. Parmi eux, des soldats aguerris en provenance des commanderies prussiennes d’Allemagne accompagnaient le grand maître Burchard von Schwanden. Mais ce dernier renonça peu après à son commandement et résilia sa charge pour des raisons qui n’étaient pas très claires. Il laissa son commandement au maître provincial Heinrich von Bouland.
Le 5 avril de l’an de disgrâce 1291, le jour même des nones, une armée mameluk considérable se massa sous les murs de Saint-Jean
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