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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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Jean a été ceint lors de son sacre ! »
    Trois hommes sortirent alors des fourrés sur un signe de leur chef, débandèrent leur arc et glissèrent la flèche dans la main qui tenait le haubier où elles rejoignirent plusieurs autres traits qui formaient comme un faisceau, l’empennage en haut, la pointe en bas.
    Nous reconnûmes incontinent quelques visages bourrus que nous avions vus lors du souper dans l’auberge du port d’Auray où nous avions passé la nuit.
    Un manque de prudence que je me reprochais un peu tard. Nous avions parlé trop haut, trop fort. Dans notre langue. Qui n’avait rien de celtique. Onfroi et Guilbaud, l’esprit échauffé par ce petit vin blanc du pays de Nantes, avaient prononcé mon nom à plusieurs reprises.
     
    Je présentai mes écuyers à messire Enguerrand de Hesdin. Icelui était du parti de Charles de Blois et avait rallié les maigres compagnies levées, sans soldes, par Bertrand du Guesclin.
    Bertran ou Bertrand du Guesclin, un nom magique ! Un fils adoptif de la fée Morgane et de Merlin l’enchanteur ! Un gentilhomme qui n’avait pour château qu’un château d’air, l’air qui sifflait entre les troncs, les branches, les feuilles, les glands, les fougères et les ronces de sa forêt de Brocéliande.
    Un homme dont la renommée nous était parvenue en notre baronnie du Pierregord, colportée par les louanges de nos troubadours. Comme poudre boutée dans le fût d’une bouche à feu, aurait dit maître Jean, le maistre canonnier que le baron Bozon de Beynac avait fort judicieusement soldé deux ans plus tôt.
     
    Après nous être esclippés dans les sous-bois, à l’abri des taillis et loin du regard des gardes qui serpentaient sur les remparts de la forteresse de Largoët, nous eûmes une longue conversation avec nos nouveaux compains. Une amitié que scellèrent un dodu jambon fumé et d’excellents pastés acquis le matin même, et que consolida une outre de vin de Bohème que le mestre-capitaine de la nef teutonique nous avait remis la veille. Contre quelques marks d’argent…

    Enguerrand de Hesdin nous exposa la situation et les forces en présence en son duché de Bretagne. Elles n’étaient guère différentes de celles que nous connaissions en notre duché d’Aquitaine.
    Les factions rivales étaient presque les mêmes : d’un côté, les Godons alliés à d’aucuns Bretons qui soutenaient le parti de Jean de Montfort, de l’autre, des Bretons fidèles à la bannière de Charles de Châtillon, comte de Blois, neveu de notre roi et duc de Bretagne par la volonté de feu le roi Philippe, sixième du nom.
    Certains seigneurs de Bretagne étaient alliés aux Anglais, chez eux ; certains seigneurs de Gascogne, chez nous. Les uns et les autres aussi prompts à retourner leur cotte d’armes selon que le vent soufflait du suroît ou du noroît. Bis repetita placent  : les mêmes causes produisent les mêmes effets.
    Pendant qu’Enguerrand de Hesdin nous parlait, ses trois archers tranchaient et engloutissaient voracement d’épaisses tranches de jambon, qu’ils déchiraient entre ce qui leur restait de chicots, comme de pauvres hères affamés.
    Il nous expliqua que ses compains n’étaient que d’humbles paysans. Ils ne parlaient point notre langue et ne la comprenaient que difficilement. En raison de leur habitude à se contenter de peu, un bout de lard, un quignon de pain de seigle, dormant à la belle étoile ou sur quelque paillasse dans la hutte d’un bûcheron ou d’un charbonnier lorsque le temps fraîchissait, nous devions pardonner leurs manières un peu frustres.
    En revanche, ils vénéraient comme un dieu celui qui était leur ami d’enfance, aussi pauvre qu’eux : Bertrand du Guesclin avec qui, adolescents, ils avaient autrefois déjà fait les quatre cents coups, chapardant, rossant bourgeois ou galopians, se nourrissant et se réchauffant en buvant le lait au pis des vaches, croquant les pommes du voisin ou vendangeant ses vignes avant l’heure…
    La forêt de Brocéliande, cet océan de chênes, de hêtres, de taillis touffus, de landes et de futaies hérissées de ronces et de grosses roches rouges, sillonnée de chemins sans issue, était devenue leur domaine. Point n’était besoin de titre de propriété pour en connaître les moindres recoins, pour y décharpir les Godons qui ne s’y aventuraient que pour passer, tout de gob, de vie à trépas.
    Brocéliande ! Une sylve qui s’étendait sur tout le

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