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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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retourna et blêmit. Il s’inclina et lui indiqua aussitôt un bâtiment qui abritait des bureaux où des Lieger et des Wirte, des dépositaires, vérifiaient, tels des jaugeurs-jurés, le pesage, la qualité et la conformité des marchandises débarquées ou embarquées. Puis il s’inclina et s’assura que Foulques avait rengainé son épée avant de reprendre, d’une voix moins tonitruante, ses ordres de manœuvre.
    « Messire Foulques, où avez-vous appris la langue germanique ? s’enquit Raymond de Carsac.
    — Lors de mes parties d’échecs. Et à la chasse ! » jubila le fendant chevalier banneret.
    — Et que lui avez-vous dit, messire de Montfort, pour qu’il se montre plus compréhensif ?
    — Je lui ai dit que s’il ne fermait pas sa gueule, je lui entaillerais le visage. Enfin, quelque chose comme ça. Une injure intraduisible dans notre langue. »

    Sur le quai, nous regardions nos impedimenta qu’on hissait à bord de la nef teutonique comme des ballots de paille, et nos chevaux, destriers et roncins, tirés par leur licol, claquer de leurs sabots le pan incliné d’un large et haut sabord. Avaient-ils senti l’odeur des écuries ? Ils ne se rebiffèrent pas et disparurent de notre vue pour être sanglés dans une des cales du deuxième pont.
    D’autres sabots soulevaient au loin de la poussière. Lorsqu’ils abordèrent le dallage empierré du quai pour le marteler au petit trop puis au pas, tous nos regards se portèrent vers le groupe de cavaliers qui s’avançait vers nous, bannière en tête.
    «  Halt   ! » ordonna le chevalier Wilhelm von Forstner en levant le bras. La troupe s’immobilisa comme un seul homme. Il sauta à terre et se dirigea vers moi d’un pas décidé.
    Je craignis le pire, à savoir que le grand maître, pris de remords, ait décidé de lever sa main de dessus moi pour me desférer dans quelque oubliette, le temps de décider du sort qu’il me réserverait.
    « Messire Bertrand Brachet de Born, je suis porteur d’un message du Hochmeister pour vous, me dit-il, le bec fendu d’un large sourire, en me tendant un petit rouleau de veelin, entouré d’un ruban noir et scellé de son sceau.
    « Frère Winrich m’a prié de vous le remettre avant que vous n’embarquiez.
    — Frère Wilhelm, puisque nous avons l’heur de vous revoir, dis-je en l’entraînant à l’écart d’oreilles indiscrètes, pourriez-vous m’expliquer de quelle façon le Hochmeister connaissait tant de choses sur moi, sur ma vie, sur ma famille, sur mes quêtes ?
    — Oui, je peux vous l’avouer, mon ami, me répondit-il, le corps secoué par des hoquets de rires difficilement retenus, n’y voyez rien de sorcier : lorsque mes frères et moi parcourons la Chrétienté pour proposer des indulgences plénières à ceux des chevaliers qui seraient dignes de combattre les païens à nos côtés, nous prenons moult renseignements sur iceux.
    — Sergents-recruteurs et référants de tranquillité, en somme ? Des espions ?
    — Des moines-soldats simplement prudents, messire Bertrand. Nombreux sont les postulants, plus rares sont les élus ! Je vous souhaite à tous bonne fortune de mer », nous lança-t-il en remontant en selle, en tournant bride, en éperonnant son destrier et en nous faisant un signe d’adieu.
    La bannière à la Croix de sable pattée et alésée de l’Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques claqua une dernière fois avant de s’estomper peu à peu dans un nuage de sable et de poussière.

    «  Mezzzires, nous zzzappareillons   ! Mestre, veuillez fairrre dégazzzer le pont pour la mmœuvreuhhh. Larguez les zzzamarres   ! Balanzzzez la mizzzzaine et l’ arrrtimonnn   ! Hizzzez et bordez le huuunier   ! La barrreuhhh au vent. Z’ai dit la barrreuhhh au vent ! Donnerwetter  » rugit le mestre-capitaine, un petit bonhomme court sur pattes, haut comme trois pommes, à la barbe blonde et au torse aussi ventru que la hourque qu’il commandait.
    La vingtaine de membres d’équipage obéit, grimpa sur les enfléchures, bordit les voiles. Mais les cinquante last de fret qu’il transportait à son bord rendaient le navire peu manœuvrant et ce n’est qu’à la tombée de la nuit que, salués par des mouettes et des goélands, nous alargâmes le large et la houle sous un ciel cuivré, laissant dans notre sillage une nouvelle tranche de vie.
    Je brisai le sceau du parchemin que le grand maître m’avait fait remettre par le chevalier Wilhelm

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