La malediction de la galigai
brusquerie.
Il ajouta, plus conciliant, comme pour se justifier :
â Je ne pouvais attendreâ¦
Ses yeux s'embuèrent quand, brusquement, il éclata :
â Mon père était prévôt des maréchaux, monsieur Langlois. Chaque jour, il risquait sa vie, et le savait. C'était son métier et son honneur. Mais ma mère ? Je l'ai si peu connue ! J'avais besoin de savoir si Mondreville était son assassin !
Il se retint d'avouer : cela fait vingt ans que j'essaie en vain de me souvenir de son visage.
â Nous allons le découvrir, Gaston, promit Fronsac. Que s'est-il passé ensuite ?
â J'ai dû bousculer deux ou trois domestiques pour approcher Mondreville. Et quand je l'ai vu, il m'a tout de suite déplu. Je lui ai expliqué qui j'étais et demandé s'il se souvenait du vol des tailles de Normandie. Malgré sa barbe, je l'ai vu changer de couleur. Son visage s'est affaissé et j'ai compris qu'il s'agissait bien de l'homme évoqué dans le mémoire de mon père. Il a bredouillé des menaces, mais je me suis jeté sur lui, l'ai attrapé par le col, souffleté. Je ne me retenais plus, je l'avoue. Il a crié, des archers et des valets sont venus. L'un d'eux m'a lâchement assommé avec une chaise.
» Quand j'ai repris conscience, j'étais attaché et bâillonné dans une voiture. Mondreville se trouvait avec moi, un pistolet à la main. Il n'a pas prononcé un mot. On est entré dans Vernon par la porte de Gamilly. J'étais persuadé qu'on allait au château, qu'il voulait me mettre en accusation devant le vicomte et ne m'inquiétais pas, puisque je disposais du moyen de le confondre dans la mesure où il ne m'avait pas fouillé !
» Mais on a passé le pont, puis la voiture a tourné au château des Tourelles. Là , il est descendu et a parlé un moment avec l'homme qui était avec vous.
â Le concierge, fit sobrement le prévôt.
â Le cocher de la voiture était avec un archer. Ils m'ont fait descendre et m'ont menacé de m'assommer si je ne me laissais pas faire. J'ai obéi. On m'a conduit dans le cachot où vous m'avez trouvé. On me portait un pain, un cruchon et on vidait mon seau deux fois par semaine.
â Personne n'est venu vous interroger ? demanda le prévôt, incrédule.
â Personne ! Vous pensez bien que je me serais expliqué et qu'on m'aurait libéré ! Dès demain, je partirai pour Compiègne et je verrai monsieur Séguier qui parlera à Son Ãminence. L'affaire ne va pas en rester là  !
â à part l'emprisonnement, que Mondreville pourrait justifier par ton agression chez lui, tu n'as guère de preuves.
â Mon père a peut-être laissé d'autres papiers sur le vol de la recette des tailles. Je vais fouiller chez moi maintenant que je sais ce que je dois chercher.
â Ta maison a brûlé, il y a une semaine, Gaston. Le feu a pris dans une grange et, si la pluie ne s'était mise à tomber, il n'en resterait rien. Les chambres de l'étage sont en ruines. Je doute que tu retrouves quelque chose.
Tilly blêmit, accusant le coup. Un dernier lien avec ses parents disparaissait.
â Mes serviteurs ?
â Ils sont saufs. Nous nous sommes installés avec eux.
â à coup sûr Mondreville a mis le feu ! commenta-t-il en serrant les poings.
â Il n'aurait pu te garder emprisonné aux Tourelles longtemps, remarqua Louis après un instant de réflexion.
â Voici deux jours, quand le concierge me porta un pain, je lui ai répété qui j'étais. Je l'ai menacé, puis lui ai promis une récompense s'il me laissait partir. Jusque-là , il répondait que le vicomte et Mondreville le feraient pendre s'il se laissait corrompre, mais cette fois il m'a confié que, dimanche, une barque viendrait me chercher.
â Une barque ? répéta Louis, intrigué.
â Oui, j'ai posé des questions, mais il ne savait rien d'autre, sinon que Mondreville le lui avait dit. Il s'excusait sans cesse, me jurant qu'il se contentait d'exécuter des ordres.
â Croyez-vous que le vicomte puisse être complice de Mondreville ? demanda Louis au prévôt.
â Non, il n'oserait. Mais il a pu apprendre quelque chose et fermer les yeux. Le
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