La malediction de la galigai
Vernon ! se présenta chaleureusement le prévôt en tendant une main franche au prisonnier. Voici mon fils. J'ai connu votre père, monsieur de Tilly. Un homme selon mon cÅur.
â Mon père ? Nous allons en reparler, si vous voulez, mais j'ai surtout hâte de quitter ces lieux. Où se trouve ce fourbe de Mondreville ?
â Il n'est pas avec nous, répondit Langlois.
â Allons chez lui que je lui passe mon épée au travers du corps, gronda Gaston.
Le concierge, resté dans l'escalier, s'était fait discret.
â Partons, voulez-vous ? proposa le prévôt.
Ils firent le chemin en sens inverse. Arrivé à l'échelle extérieure, Gaston gonfla longuement ses poumons, humant l'air de la liberté.
â Monsieur de Tilly ! cria Bauer en le voyant.
â Friedrich ! se réjouit-il, descendant les marches à vive allure.
Les deux hommes s'accolèrent avec une immense joie. Puis Gaston serra aussi Nicolas en une belle brassée.
â J'ai faim ! clama l'ancien détenu, mais avant, filons chez Mondreville ! J'ai seulement besoin de le tuer !
â Ce n'est pas une bonne idée, monsieur de Tilly, chuinta le prévôt. Il est tard. Nous y serions à la nuit noire et que ferions-nous ? Je me propose de vous conduire à l'auberge du Grand-Cerf . Soupez et reposez-vous. Je vous ferai porter du linge et viendrai demain à l'aurore avec mes archers et mon fils. Nous irons ensemble demander des explications à Mondreville, bien que la seigneurie soit dans la vicomté de Mantes et non dans celle de Vernon. C'est un homme puissant, vous le savez. Tout à l'heure, je ferai un compte rendu au vicomte. J'obtiendrai à coup sûr son soutien, puisque Mondreville vient de le mettre dans une situation fort déplaisante.
Gaston grimaça en marquant une hésitation.
â J'aurais voulu régler ce soir mes affaires avec ce scélérat.
â Monsieur Langlois est la sagesse même, confirma Fronsac. Et nous avons à parler, nous aussi.
*
Gaston inclina la tête en signe d'adhésion et ils montèrent dans la voiture. Le fils de Langlois s'installa sur le siège du cocher pour guider Nicolas jusqu'à l'auberge du Grand-Cerf , dans la rue Grande 2 .
â Comment m'as-tu retrouvé, Louis ? s'enquit Tilly.
â Armande est venue me prévenir. La suite, je te la raconterai tout à l'heure.
â Comment va-t-elle ?
â Elle était très inquiète, mais nous allons la rassurer bien vite.
â Pouvez-vous me dire pourquoi Mondreville vous a enfermé aux Tourelles, monsieur le procureur ? s'étonna le prévôt, assis en face d'eux.
â Je l'ignore, monsieur le prévôt ! Fin juillet, j'ai appris que le frère de mon père venait de décéder. Il m'avait laissé une lettre dans laquelle il me confiait que mes parents n'étaient peut-être pas morts dans un accident. Qu'un braconnier avait vu deux cavaliers devant leur coche renversé. Je suis aussitôt venu à Tilly. J'ai fouillé la maison et retrouvé un mémoire écrit par mon père, la veille de sa mort. Il y accusait un Mondreville d'avoir commis un volâ¦
â Le vol de la recette des tailles de Normandie, laissa tomber Louis, négligemment.
Gaston resta interloqué.
â Comment le sais-tu ?
â Je n'ai aucun mérite, c'est monsieur Langlois qui me l'a appris, fit-il en se retenant de sourire.
Il allait ajouter, plus sérieusement : « C'est pour l'empêcher de poursuivre son enquête qu'on a tué ton père⦠et ta mère », quand il surprit l'expression contrariée du prévôt de Vernon.
Gaston, qui n'avait rien remarqué, poursuivit :
â J'ai immédiatement pensé que la mort de mes parents était liée à ce vol. Seulement beaucoup de familles s'appellent Mondreville par ici. Je n'aurais eu aucun moyen de trouver celui cité si mon oncle n'avait écrit dans sa lettre que le prévôt Mondreville ne l'avait pas écouté quand il lui avait parlé des cavaliers aperçus près de la voiture retournée. C'était mon seul indice, aussi suis-je allé le voir pour l'interroger.
â Seul ? demanda le prévôt. Sans témoin ?
â Seul ! répliqua Gaston avec
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