La malediction de la galigai
lettre, il la tendit à Louis avec le texte.
â Ce Balthazar Nardi était secrétaire du maréchal d'Ancre, dit-il. Il a envoyé ce pli à mon père afin de demander la vente. Vous voyez, il justifie son absence par ce qui était arrivé au maréchal. Il déclare être en Hollande et ne pouvoir rentrer, mais avoir déjà envoyé les clefs de la maison à son ami Mondreville qui souhaite l'acheter. L'autre document est un acte décrivant la maison et les termes de la vente quand il l'avait acquise.
C'était une formulation singulière, mais Fronsac agissait lui-même parfois ainsi, en prenant tout de même des précautions. Néanmoins, Louis se demandait si toutes ces pièces n'étaient pas contrefaites, bien que l'acte joint par Nardi parût authentique. Car la bâtisse avait été vendue douze cents livres, une somme dérisoire. Nardi demandait que l'argent soit conservé par l'étude et disait qu'il le prendrait plus tard.
â Est-il venu ? s'enquit-il.
L'un des clercs vérifia les livres de compte.
â Non, monsieur, l'argent est toujours dans nos caisses. En revanche, j'y vois aussi que monsieur Bréval a fait porter deux cents livres, il y a huit ans, pour des frais que nous lui réclamions, suite à des taxes payées par nous.
Louis examina ensuite l'acte entre Mondreville et Bréval, où les deux hommes étaient présents.
N'ayant pas besoin d'en savoir plus, il remercia le notaire et repartit avec son père. Celui-ci lui posa quelques questions sur cette maison et ce Mondreville, mais Louis demeura évasif, songeant avec inquiétude à tout autre chose.
Les vêpres avaient sonné depuis longtemps, pourtant il faisait toujours aussi chaud quand il descendit de voiture, non loin de la rue de la Verrerie, pour se rendre chez Gaston.
*
Chez son ami, il découvrit Anaïs Moulin Lecomte soupant avec Gaston et Armande. Sa dame de compagnie se trouvait avec elle, les deux femmes étant arrivées moins d'une heure auparavant.
Fronsac resta un instant ébahi, les questions se bousculant dans son esprit. Comment la filleule de Bréval pouvait-elle être là  ? D'ailleurs, où était ce dernier ? Et comment avait-elle connu l'adresse de Gaston, se souvenant avoir été prudent et ne pas l'avoir dévoilée.
C'est elle qui s'expliqua. Pour la seconde fois, puisque Gaston et Armande avaient entendu son récit.
Vendredi, par la poste au courrier, son parrain avait reçu une lettre de ses parents annonçant leur retour. Ils s'installaient à Lyon quelques jours et demandaient à Bréval de ramener leur fille chez eux. Celui-ci ne pouvant la raccompagner, il avait fait préparer sa voiture et confié sa filleule à son cocher et un de ses valets.
Mais aussitôt partie, Anaïs leur avait ordonné de les conduire chez le procureur Gaston de Tilly.
â Comment saviez-vous où il habitait ? interrogea Louis avec une ombre de suspicion.
â Le vendredi, après avoir reçu la lettre de mes parents, ma décision était prise. Je suis allée voir le curé de Longnes et l'ai supplié d'envoyer quelqu'un à Tilly, chez son frère. Celui-ci a demandé à vos domestiques où vous demeuriez et le soir je disposais de votre adresse : rue de la Verrerie, la maison mitoyenne à celle du marchand de porcelaine Trincard 2 .
Louis eut une moue d'admiration.
â J'éprouvais le besoin d'apprendre ce que vous aviez découvert, poursuivit-elle, les yeux noyés de larmes. Depuis que Thibault a disparu, je suis résolue à me retirer du monde, bien que je garde encore un peu d'espoir dans mon cÅur.
Louis ignorait quoi répondre, mais Gaston lui avait déjà dévoilé la vérité : ils ignoraient toujours ce qu'était devenu Richebourg.
â Je rentrerai chez moi demain, décida-t-elle, la voix cassée. Je ne tiens à inquiéter ni mon parrain ni mes parents.
â Je m'en voudrais de vous donner un espoir inutile, l'interrompit Louis après une hésitation, mais⦠ne pouvez-vous attendre jusqu'à lundi ?
â Certes, mais pas plus tard. Mon parrain s'inquiétera s'il ne voit pas revenir son cocher lundi ou mardi. Pour l'instant, ils sont dans une auberge.
Gaston regardait Fronsac, interloqué.
â La maison des Valois appartenait
Weitere Kostenlose Bücher