La malediction de la galigai
tu as raté ton coup, l'ami ! Pourquoi t'es-tu précipité dans le carrosse de Mazarin, sans même savoir s'il y avait des gens armés ?
â Vous auriez pu me prévenir ! Et m'aider ensuite ! répliqua l' Ãchafaud un ton plus haut.
â Te prévenir ! Pouvais-je savoir qu'on te trahissait ? Ensuite, j'étais en prison ! Mais à peine sorti, ne t'ai-je pas fait passer une centaine d'écus ?
â Une centaine d'écus pour ça ?
Un silence hostile s'abattit dans la salle. Finalement, l 'Ãchafaud s'assit à son tour et fit signe à ses hommes de faire de même.
â Je veux bien me mettre à votre service, monseigneur, mais, en échange, je veux que vous m'aidiez à retrouver celui qui m'a trahi, le nommé La Potence 8 , proposa-t-il. Il m'a dit qu'il était au service du roi, mais je n'en sais pas plus.
â J'essaierai, l 'Ãchafaud , je te promets d'essayer. Maintenant veux-tu m'écouter ? Il y a cinquante mille livres à gagner facilement.
â Cinquante mille ? répéta l'un des truands, sidéré.
â Cinquante mille, compère ! confirma Beaufort.
â Parlez, monseigneur, dit l' Ãchafaud .
â C'est monsieur Mondreville qui va vous donner les explications. Il vous racontera d'abord un vol remontant à trente ans.
Empreints de curiosité, les truands se tournèrent vers le prévôt qui commença son récit. Il détailla le vol de la recette des tailles en 1617, décrivit la manÅuvre sur la Seine, comment ils avaient tué les bateliers de la gabarre et comment Petit-Jacques était parvenu à échapper à l'escorte. Il ne parla pas des deux complices assassinés et conclut par ses mots :
â Un prochain transport aura lieu bientôt. Si on tentait de le voler comme Petit-Jacques, en seriez-vous ?
â C'est pour ça que vous m'avez écrit de venir avec des hommes sachant manÅuvrer et naviguer, monseigneur ?
â Oui. Ceux-là en sont-ils capables ?
â Le Flamand et Ponton, oui. Froideviande, non. C'est mon lieutenant. Lui et moi ne sommes jamais montés sur une barque, sauf pour traverser la Seine !
Mondreville regarda avec attention les nommés Le Flamand et Ponton, tous deux de taille moyenne avec un visage buriné. Le Flamand avait la quarantaine et le poil jaunasse. Ponton était plus jeune et pourtant presque chauve avec une denture de chicots.
â Vous avez navigué où ? demanda-t-il.
â J'étais à Bruges, répondit Le Flamand. J'ai eu aussi une barque sur le Rhin avant de venir ici.
â J'ai eu une gabarre, jadis, ajouta évasivement Ponton.
Mondreville grimaça, ce n'était pas les mariniers qu'il aurait souhaités. Mais pouvait-il espérer mieux ?
â Il faudra être très rapides, très précis. Vous devrez vous entraîner avec nous. On commencera demain, car nous n'avons guère de temps.
â Ce sera pour quand ? demanda l' Ãchafaud .
â Je ne sais pas encore, répondit Mondreville. Nous l'apprendrons bientôt, mais nous devrons nous tenir prêts.
â Parlons du partage. Combien y aura-t-il dans la recette des tailles ?
â Beaucoup ! répondit Beaufort, mais ce n'est pas pour vous. Ce sera un coup de main contre le Mazarin. Vous serez seulement payés pour y participer. Vous aurez cinquante mille livres, rien de plus et rien de moins. Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.
Un nouveau moment de silence tomba. L' Ãchafaud n'appréciait pas la façon dont il était traité, mais savait que Beaufort avait raison : il était recherché et ne pouvait plus sortir sans masque. Le temps venait pour lui de quitter Paris. Or, pour cela, il avait besoin d'argent.
â Où devons nous aller ?
â à Mondreville, répondit le lieutenant du prévôt. Tachez d'y être après-demain. Vous trouverez facilement ma maison. J'y loge mes archers et je vous fournirai un lit. Je vous ferai passer pour des domestiques. Tous les jours, nous irons à la Seine et vous naviguerez. Je veux que vous sachiez parfaitement ce que vous aurez à faire.
Le Grand Coesre hocha la tête.
1 Elle-même fille de Marie Touchet, maîtresse de Charles IX.
2 Henri, père du prince de Condé de notre
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