La malediction de la galigai
Elles jouaient aussi aux cartes quand on l'avait fait entrer mais s'étaient interrompues pour les écouter. Des truands, dont l'un défiguré.
â Pourrions-nous en parler tranquillement ?
Mondreville hocha la tête et lui fit signe. La pièce suivante, en enfilade, était sa chambre privée.
L'autre homme les accompagna.
Mondreville ferma la porte et répéta sa question, sur un ton un peu plus dur.
â Comment nous avez-vous trouvés ?
â J'ai eu la visite de deux gentilshommes qui vous connaissent : Fronsac et Tilly. Ils m'ont posé toutes sortes de questions.
â Que voulaient-ils exactement ?
â Ils préparent quelque chose, mais cette information a un prix.
â Je comprends, acquiesça Mondreville après un instant. Combien ?
â Cinq mille livres et je vous dis tout.
â C'est beaucoup.
â Pas pour vous.
â Que ferez-vous si j'accepte ?
â Si vous m'offrez l'hospitalité et un cheval, je quitterai la France pour la Hollande dès demain.
â Comment Fronsac vous a-t-il approché ?
â Cela fait partie du marché.
â D'accord, mais qui m'empêchera de vous reprendre ce que j'aurai donné, une fois tout révélé ?
â Mes précautions ! Je rejoins Nardi en Hollande et je lui ai écrit. Si je n'arrive pas, il enverra un courrier au chancelier.
â Nardi est vivant ?
â Aussi.
â Soit ! décida Mondreville. Vous aurez votre argent.
â Où est-il ?
Le lieutenant du prévôt désigna une armoire.
â Là . Voulez-vous que je compte la somme tout de suite ?
â Je vous fais confiance. Puis-je passer la nuit ici ?
â Oui, et je vous offrirai un cheval.
â Je prendrai l'argent en partant. Fronsac et Tilly possèdent un décret de prise de corps contre vous. Ils ont rassemblé une troupe et attaqueront votre maison la nuit prochaine. Vous disposez d'une journée pour fuir ou la mettre en défense.
Les deux hommes restèrent silencieux un moment.
â Combien sont-ils ?
â Une dizaine.
â Comment comptent-ils entrer ?
â Avec une échelle de corde, dans la cour. Ils passeront le mur et vous surprendront dans la nuit.
â Ils ne nous surprendront pas ! s'exclama Mondreville en un rire cruel. Nous les attendrons, et ils disparaîtront, définitivement.
Le prieur des Cordeliers l'approuva d'un signe de tête.
â Vous pourriez repartir avec plus de cinq mille livres, proposa alors le compagnon de Mondreville.
â Comment cela ?
â Vous avez vu ceux à côté ? dit-il en désignant la porte.
â Oui, des estropiats !
â Un nouveau transport de la recette des tailles doit avoir lieu. Il y aura deux millions. Pourquoi ne pas en être ? Quelqu'un comme vous serait utile.
Le cordelier ferma les yeux un instant avant de demander :
â Quand ?
â Pour l'heure, nous l'ignorons, mais un homme à nous surveille la maison du receveur général, à Rouen. Quand le transport se mettra en route, il accourra nous prévenir. Nous enverrons alors quelqu'un à Vernon évaluer l'escorte.
â Je n'ai pas envie de patienter des semaines et monsieur Nardi m'attend.
â Réfléchissez quand même, vous repartiriez avec quelques centaines de milliers de livres. Quant à Nardi, il est possible de lui envoyer un messagerâ¦
Le prieur ne releva pas. Mondreville comprit le refus.
â Je vais donner des ordres pour vous loger. Vous partagerez un grand lit à l'étage au-dessous où résident mes archers et mes sergents. Venez avec moi.
Ils repassèrent dans la chambre d'apparat, puis sortirent de l'appartement.
â Je suis surpris que vous nous ayez reconnus si vite, avoua Mondreville dans l'escalier. Je croyais que nous avions bien changé !
â Changé en effet ! se dérida le cordelier.
Ils éclatèrent de rire.
*
Après leur visite, Tilly ramena Richebourg chez lui pour qu'il choisisse son équipement, tandis que Louis se rendit à l'étude familiale, rue des Quatre-Fils. Là -bas, il raconta à son père, sa mère et son frère les dernières péripéties vécues avec Gaston, puis demanda s'il pouvait emprunter
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