La malediction de la galigai
s'y opposa. Non à cause de raisons morales, mais parce qu'il savait un accord proche pour la réunion des chambres et que cet expédient supportait mille inconvénients.
Le président de Bellièvre traita alors son scrupule de « pauvreté ». Le coadjuteur rétorqua que personne ne pouvait répondre du succès d'une telle entreprise et que la fortune jetterait cent incidents dans une telle affaire de cette nature, laquelle virerait au ridicule si elle ne réussissait pas.
Il ne fut pas écouté. Le duc de Beaufort, Brissac, Noirmoutier, Bellièvre et Montrésor s'unirent contre lui et il fut résolu qu'un gentilhomme de Noirmoutier tirerait un coup de pistolet dans le carrosse de Guy Joly, le principal des syndics des rentiers. Joly se ferait une égratignure pour laisser penser qu'il avait été blessé, puis se mettrait au lit et exigerait des poursuites.
L'attentat fut prévu pour le samedi 11 décembre. Guy Joly irait le vendredi chez le marquis de Noirmoutier avec un de ses bras protégé par de la paille. Quelqu'un lui tirerait dessus et la balle ne lui ferait aucun mal.
48
L e faux attentat acté, il était nécessaire que des troubles éclatent immédiatement après. Pour s'en assurer, le comte de Montrésor se rendit chez son ami le marquis de Fontrailles.
Claude de Bourdeille, comte de Montrésor, petit-neveu de Brantôme 1 , avait d'abord été au service du duc d'Orléans, avant d'entrer dans la conspiration de Cinq-Mars conduite par Fontrailles. Le complot ayant raté, et le duc d'Orléans l'ayant dénoncé comme l'un des conjurés, il avait fui en Angleterre, perdant tous ses biens. à Londres, il s'était lié au duc de Beaufort et, revenu en France après la mort de Louis XIII, avait participé à la cabale des Importants et à la tentative d'assassinat de Mazarin. Cette entreprise ayant elle aussi échoué, il s'était réfugié en Hollande où il était devenu l'amant de Marie de Chevreuse. Plus tard, rentré en France, il avait été arrêté et enfermé dans le donjon de Vincennes.
Après plus d'un an de cachot, Mazarin l'avait libéré et avait tenté de le débaucher, mais Montrésor avait trop souffert en prison à cause de lui. Il avait aussi tourné le dos au duc d'Orléans, qui l'avait trahi, et s'était finalement attaché au coadjuteur Paul de Gondi.
Quant à son ami le marquis de Fontrailles, c'était un vieux compagnon de complots et cabales. Depuis vingt ans, ce dernier essayait de renverser la royauté pour instaurer en France une république à l'image de ce qui se passait en Angleterre. Pour avoir été traité de monstre par Richelieu, qui se moquait de sa laideur et de ses difformités, il avait d'abord tenté de l'assassiner à Amiens avec l'aide de Montrésor. Mais le duc d'Orléans, instigateur du complot, avait finalement déclaré aux conjurés n'avoir ni la force de le commander ni celle de l'entreprendre . Plus tard, allié à la duchesse de Chevreuse, Fontrailles avait participé à plusieurs cabales comme celles de M. de Cinq-Mars, puis essayé d'empoisonner Louis XIII avant d'échouer à assassiner Mazarin 2 . Il avait ensuite mis en place un réseau d'espions au profit de l'Espagne et préparé plusieurs opérations contre le cardinal. Toutes ayant viré au désastre, il avait fini à la Bastille d'où il était sorti l'année précédente. Il était alors entré lui aussi au service du coadjuteur pour conduire l'évasion du duc de Beaufort du château de Vincennes.
*
Durant la fronderie du printemps, Fontrailles avait engagé les truands de Paris, et particulièrement l' Ãchafaud â déjà son complice lors de la tentative d'assassinat de Mazarin en 1643 â, afin qu'ils s'attaquent aux fidèles de Mazarin. Mais depuis la paix de Saint-Germain, menacé de prise de corps, en particulier après avoir roué de coups de bâton des valets de pied du roi, le marquis se tenait désormais coi dans le logement que lui laissait son ami le duc de La Rochefoucauld, à l'hôtel de Liancourt, la reine n'attendant qu'un prétexte pour le faire enfermer à nouveau dans la Bastille.
C'est dans cet appartement, à l'abri d'oreilles indiscrètes, que Montrésor expliqua à son ami le
Weitere Kostenlose Bücher