La malediction de la galigai
exigé la réintégration de son gentilhomme. Pour éviter une nouvelle querelle, la reine avait cédé en jurant intérieurement de faire payer au Prince son audace. Elle avait donc poussé, elle aussi, à la réconciliation avec le coadjuteur.
En janvier 1650, Paul de Gondi, déguisé en cavalier et accompagné de la duchesse de Chevreuse, vint secrètement au Palais-Royal. Après plusieurs discussions en présence de la reine, du cardinal et de Monsieur, les cinq comploteurs convinrent que la paix ne pourrait revenir dans le royaume qu'après l'arrestation du prince de Condé.
*
Louis rentra à Mercy pour fêter Noël avec sa famille.
C'est là qu'il reçut, par courrier, une invitation au prochain mariage d'Anaïs Moulin Lecomte et de M. de Richebourg, lieutenant du prévôt de maréchaux de Rouen.
C'est aussi à Mercy qu'il apprit, cette fois par une visite de Mathieu Molé en personne, son voisin seigneur de Champlâtreux, les bouleversements survenus à Paris, le 19 janvier.
Le premier président, accompagné de son fils Champlâtreux, venait prendre quelques jours de repos après la fin d'année difficile qu'il avait connue, expliqua-t-il à Louis quand ce dernier le reçut dans sa bibliothèque, en présence de Julie.
Il raconta d'abord quelques faits insignifiants, parla de sa petite-fille Marie-René 2 qu'il aimait tant, des affaires du Palais et du procès de Gondi qui se terminait.
Fronsac l'écouta en silence, devinant que si un personnage aussi considérable que le premier président du parlement de Paris franchissant son seuil, même en tant que voisin, c'est qu'il était advenu quelque chose de considérable le concernant personnellement. Il attendait donc avec un soupçon d'inquiétude les véritables raisons de cette visite.
Molé en ayant terminé des faits divers lissa longuement sa barbe avant d'adopter un ton solennel.
â Sachez maintenant, monsieur Fronsac, que je viens aussi de la part de Son Ãminence. Le cardinal m'a demandé de vous annoncer personnellement la nouvelleâ¦
â Laquelle ? frémit Fronsac.
â Vous le savez, monseigneur a l'habitude de dire : « Je dissimule, je biaise, j'adoucis, j'accommode tout autant qu'il m'est possible mais, dans un besoin pressant, je ferai voir de quoi je suis capable », fit Molé avec un sourire contraint. Hier soir, le prince de Condé, son frère Conti et son beau-frère, monsieur de Longueville, ont été conviés pour un conseil organisé par Son Ãminence en vue d'arrêter l'auteur de l'attentat du 11 décembre. Le Prince est donc arrivé sans méfiance. Il est allé saluer la reine, puis s'est rendu avec son frère et son beau-frère dans la salle du conseil à la demande de Sa Majesté. Tandis qu'ils attendaient, monsieur Guitaut 3 s'est approché d'eux et les a arrêtés.
â Quoi !
â Oui, arrêtés. L'arrogance du Prince ne connaissait plus de borne. Ils ont été conduits au château de Vincennes par monsieur de Miossans, lieutenant des gendarmes du roi.
â Comment a réagi Son Altesse ? demanda Louis, abasourdi.
â Il était aussi surpris que vous, monsieur, plaisanta Molé. Il a seulement déclaré : « Je crois avoir toujours bien servi la reine et j'ai cru monsieur le cardinal mon ami. »
â Son Ãminence a pris un bien grand risque, remarqua Fronsac.
â Non, car cette arrestation s'est faite avec l'approbation du duc d'Orléans et le soutien du coadjuteur et de ses amis. Les alliances ont changé, mon cher. Mgr de Gondi s'est engagé à être désormais un fidèle sujet de Sa Majesté.
Grande Barbe eut un sourire équivoque avant d'ajouter :
â Je crois que vous êtes en partie la cause de sa conversion, mais comme vous êtes aussi un fidèle du Prince, Mgr Mazarin a voulu vous marquer sa considération en m'envoyant.
â Je ne crois pas avoir des capacités telles que je puisse convaincre un homme comme Paul de Gondi, dit Louis après un moment de silence. Pas plus que je n'ai pu convaincre le cardinal ou Monsieur le Prince qu'ils faisaient fausse route. Un brigand et trois larrons ont croisé notre chemin, j'ai seulement tenté d'éviter qu'ils ne causent trop de malheurs.
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