La malédiction des templiers

femme se mit à rire de bon cœur, davantage pour exorciser sa peur et sa nervosité que parce qu’elle trouvait la remarque de Reilly particulièrement drôle. Le caractère périlleux de leur situation – coincés dans ce labyrinthe souterrain condamné depuis des lustres, à plusieurs niveaux au-dessous de la surface – lui tapait sur le système. En règle générale, elle se flattait de ne pas être du genre à paniquer, ayant vécu un certain nombre de péripéties délicates, au cours desquelles elle s’était comportée honorablement et dont elle s’était en fin de compte bien tirée. Dans ces cas-là, une petite décharge d’adrénaline suffisait à déclencher son instinct de survie.
    Cette fois, c’était différent.
    L’avenir se présentait sous la forme d’une lente et pénible descente vers la mort, comme des astronautes perdus dans l’espace, mais sans l’issue fatale relativement rapide due à une réserve limitée d’oxygène.
    Ce qui suffirait largement à faire perdre les pédales à n’importe qui.
    Depuis combien de temps étaient-ils coincés là ? Elle n’en savait trop rien.
    Plusieurs heures, à coup sûr. Mais combien, au juste ? Impossible à dire.
    Ils avaient bien essayé de repousser la pierre à moulin dans son logement, mais cela s’était révélé impossible. Celle-ci avait bien été conçue pour être remise à sa place depuis l’intérieur, mais Tess et Reilly ne disposaient pas des gros leviers en bois nécessaires. Ils avaient ensuite emprunté toutes les pistes possibles dans l’espoir de trouver une issue, suivant les câbles électriques dans telle direction, puis telle autre. En vain. Ils avaient économisé au maximum les piles de la lampe torche, mais celles-ci avaient fini par s’épuiser. Tout comme la batterie du BlackBerry de Reilly, dont l’écran s’était lui aussi définitivement éteint.
    Tess savait que ces villes souterraines étaient immenses. Celles qui avaient été découvertes, les plus vastes en tout cas, pouvaient servir de refuge à une population de vingt mille personnes selon les estimations. Ce qui représentait une surface considérable à explorer. Et un bon paquet de tunnels. Sans parler des culs-de-sac.
    Inutile donc d’escompter se tirer d’affaire facilement.
    — Et si on était coincés là pour toujours ?
    — Ce ne sera pas le cas, répondit Reilly.
    Il la tenait serrée contre lui, un bras passé autour de son épaule.
    — D’accord, mais si ça l’était ? insista-t-elle, se pelotonnant encore davantage. Sérieusement. Qu’est-ce qu’on deviendrait ? On finirait par mourir de faim ? Ou non, peut-être de soif d’abord ? A moins qu’on ne sombre avant dans la folie ? Qu’est-ce que tu en penses ? Tu as sûrement été entraîné pour des situations de ce genre ?
    — Pas vraiment, avoua Reilly. Ce n’est pas exactement le genre d’incident auquel on s’attend quand on travaille au bureau de New York du FBI.
    L’obscurité était totale désormais, si dense qu’elle en devenait, paradoxalement, presque aveuglante. Pas le moindre petit rai de lumière. Tess ne voyait rien de Reilly, pas même l’ombre d’un reflet dans ses yeux. Elle ne pouvait que l’entendre respirer, sentir sa poitrine se gonfler et se relâcher, ses doigts se serrer autour de son épaule. Ses pensées la ramenèrent dans un passé pas si lointain, à un moment où elle s’était retrouvée comme cela dans le noir, blottie contre Reilly, à un endroit relativement proche de celui où ils se trouvaient maintenant.
    — Tu te rappelles cette première nuit ? demanda-t-elle. Dans la tente, avant qu’on arrive au lac ?
    Elle le sentit sourire.
    — Et comment !
    — C’était pas mal, non ?
    — C’était super, tu veux dire.
    — Plus que super, c’était carrément génial.
    Elle repassa dans sa tête le film de la scène, une douce chaleur irradiant son corps tout entier.
    — J’ai toujours eu envie de revivre ce premier baiser, avoua-t-elle. Un moment mémorable, incomparable, pas vrai ?
    — Vérifions ce jugement.
    Il prit le visage de la jeune femme entre ses deux mains et l’embrassa longuement : un baiser intense, profond, presque désespéré, qui en disait bien plus que de longues phrases.
    — Je retire l’épithète « incomparable », fit-elle d’une voix rêveuse. A moins qu’il n’y ait quelque chose de spécial dans l’air, en Turquie… Qu’est-ce que tu en