La malédiction des templiers

on a maintenant sur les bras une révolution islamique qui nous déteste.
    — Passionnément, confirma Reilly.
    Tess poussa un soupir contrarié, puis une idée lui vint à l’esprit :
    — Mossadegh n’était pas un responsable religieux, si ?
    — Non, pas du tout. C’était un diplomate de carrière, un homme moderne, très cultivé. Diplômé de droit d’une université suisse. Les mollahs qui dirigent le pays aujourd’hui ne le mentionnent jamais quand on évoque le coup d’Etat, son jour anniversaire par exemple. Il était bien trop laïc à leur goût. Il n’était pas question de république islamique à l’époque, ajouta-t-il après une brève pause. C’est nous qui en sommes à l’origine. Avant qu’on décide de se mêler de ses affaires, l’Iran était une démocratie.
    — Une démocratie qui ne nous convenait pas.
    — Ce n’était pas la première fois, et il y en aura d’autres. Tout ça, c’est une affaire de pétrole bon marché… Et pourtant… Imagine un peu à quel point le monde serait différent si on n’était pas intervenus il y a presque soixante ans !
    Tess s’accorda le temps de digérer le cours d’histoire de Reilly avant de lancer :
    — Je ne suis pas sûre d’avoir envie de te demander ce qui s’est passé le 3 juillet 1988…
    — Un autre grand moment pour l’oncle Sam, grommela Reilly.
    — Raconte.
    Là encore, sans le voir, elle sut que le visage de Reilly s’était rembruni.
    — Iran Air, vol 655, commença-t-il. L’avion décolle d’Iran pour un vol d’une demi-heure au-dessus du golfe, à destination de Dubaï. Deux cent quatre-vingt-dix passagers et membres d’équipage à bord, dont soixante-six enfants.
    Tess ouvrit des yeux horrifiés.
    — C’est celui qu’on a abattu ?
    — Eh oui.
    — Pourquoi ? Comment cela s’est-il passé ?
    — C’est compliqué. Le transpondeur de l’appareil fonctionnait parfaitement et a envoyé le code correct. Le pilote suivait le couloir qui lui avait été assigné, il était en contact avec le contrôle aérien et s’exprimait en anglais. La routine de A à Z, comme dans les manuels. Mais pour des tas de raisons, nos gars ont cru qu’il s’agissait d’un F-14 qui les attaquait et ils ont tiré sur lui un couple de missiles.
    — Ils savaient que c’était un appareil civil ?
    — Non. Quand ils l’ont appris, il était trop tard. Le bateau avait la liste de tous les vols civils de la région, mais ils se sont emmêlé les pinceaux avec les fuseaux horaires. Notre bateau était sur celui de Bahreïn alors que la liste des vols était basée sur l’heure locale iranienne, une demi-heure en moins.
    — Tu me fais marcher ?
    — Pas du tout. Et ce n’était pas la première fois que ce genre d’incident se produisait. Tu te rappelles Cuba et la baie des Cochons ? Si l’opération a échoué, c’est pour une bonne part à cause d’un problème de fuseau horaire : les bombardiers qui ont décollé du Nicaragua étaient censés bénéficier de la couverture aérienne des chasseurs basés sur l’un de nos porte-avions. Les bombardiers étaient sous le contrôle de la CIA et ils fonctionnaient avec l’heure du centre des Etats-Unis. Les chasseurs étaient, eux, contrôlés par le Pentagone et étaient sur l’heure de la côte Est. Ils n’ont jamais pu accorder leurs violons et les bombardiers ont tous été descendus.
    — Bon sang !
    Reilly haussa les épaules.
    — Des erreurs pures et simples, qui n’auraient jamais dû se produire. Dans le cas de l’avion iranien, plusieurs se sont combinées. Nos navires sont équipés de systèmes qui attribuent des codes aux cibles potentielles. Pour une raison quelconque, celui qui a été assigné à l’avion de ligne a été modifié après son enregistrement, puis donné à un autre appareil, ce qui faisait une erreur de plus. Donc, l’opérateur radar regarde son écran, voit l’avion à un endroit, détourne les yeux un moment, puis se penche de nouveau sur l’écran : le voyant à un autre endroit, il a l’impression qu’il se déplace à une vitesse incroyable. C’est alors qu’il panique et pense avoir affaire à un chasseur iranien. En plus, les flèches qui indiquent si un avion monte ou descend sont très délicates à interpréter. L’opérateur radar du bateau s’est affolé et a cru que l’avion piquait pour les attaquer. Il a alors déclenché l’alarme, et le capitaine a envoyé ses missiles. Le