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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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tournois, déduction faite des dépenses courantes des communautés. Peut-être dix fois plus !
    Une telle fortune ne pouvait laisser indifférent quiquionques en soupçonneraient l’existence. Cependant, je notai que plusieurs dizaines de charrois ne devaient pas suffire pour la transporter d’un lieu à un autre. Et là, se posait un problème dont je pris conscience plus tard en poursuivant ma lecture de la tragédie albigeoise.
    Les atrocités commises, les épouvantables massacres auxquels se livrèrent les croisés de la ligue de paix, la répression sanguinaire qui fut conduite, m’apparurent dans toute leur horreur et me souleva le cœur. Comment des chrétiens avaient-ils été capables d’autant de cruauté, de trahisons, de mensonges, de félonie ? D’autant de barbarie envers d’autres chrétiens ?
    Au début du douzième siècle, on était loin des mesures de tolérance prônées plus d’un siècle plus tôt par les conciles de Reims, en l’an 1049, et de Toulouse peu après. Elles permettaient aux hérétiques de se racheter par le jeûne ou l’obligation de participer aux pèlerinages de la Croix en Terre sainte.
    Je fus profondément révolté par les moyens sanglants, d’une cruauté stupéfiante, qui furent employés pour éradiquer l’hérésie de notre pays d’oc, après l’échec des prêches pacifiques des frères dominicains et des premiers légats pontificaux. Le récit retraçait la tragédie et l’agonie de tout un peuple.
     
     

     
     
    Le jour de l’Éxaltation de la Sainte-Croix, le lendemain des ides de septembre, le 14 septembre du mois, nous eûmes le plaisir de voir que les premières manifestations de la vie apparaissaient dans la plaine de Commarque. Quelques paysans sillonnaient les champs et constataient l’étendue des dégâts : blé et seigle desséchés sur place, chanvre déchiqueté… Tout n’était que désolation.
    Deux survivants de la terrible epydemie de Mal noir, havres, les joues creusées, le corps décharné, les traits tirés, se présentèrent à la barbacane pour demander l’ouverture des portes. Elle leur fut refusée, conformément à mes instructions.
    Ils nous apprirent avec grande tristesse que plusieurs foyers avaient été décimés par ce terrible fléau. Ici ou là, on comptait un mort sur deux ou trois par feu. Quelques familles étaient entièrement décopées. Nombreux étaient ceux qui avaient trépassé dans les deux ou trois jours après avoir prodigué des soins à leurs proches ou après avoir enseveli les morts dans des tombes de fortune.
    Résignés, les survivants s’étaient enfermés dans leurs masures, sourds aux appels des mourants. Ils s’étaient interdits toute sortie au-delà de la basse-cour, sauf pour aller puiser de l’eau qu’ils faisaient brouillir et n’avaient survécu que de maigres réserves de vivres contenues dans l’enclos.
    Des bêtes étaient mortes de faim ou de soif, la récolte perdue aux trois quarts. Disette et famine risquaient de sévir dès l’automne. Ils nous implorèrent de mettre à leur disposition quelques serviteurs et servantes, pour moissonner ce qui restait encore sur pied, soigner les bêtes et tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être.
    Leur récit devait me dicter un triste poème :
     
    Le soleil domine l’horizon.
    Il darde d’éblouissants rayons
    Sur la vallée de la Dourdonne
    Où tous vaquent à leur besogne.
    À Castelnaud, le bourdon sonne,
    D’un son grave, il martèle l’air.
    Ailleurs, des cloches carillonnent.
    Le gibier s’enfuit et se terre.
    Est-ce appel au feu dans les champs,
    Ou chevauchée du bon prince Jean ?
    Il est trop tôt pour prier vêpres,
    Et point de tocsin pour la lèpre.
     
    Pire que l’épée ou que la faim,
    Ou le feu qui dévore le grain,
    Il sème partout le désespoir,
    Et présage grande misère.
    Le glas sonne le mal qui rend noir
    Et la mort de moult pauvres hères.
    Le pis des vaches sera gonflé,
    Mais personne ne traira le lait,
    Nul ne pourra saigner le cochon,
    Pour saler cet hiver les jambons.
    Le blé ne sera pas moissonné
    Car les paysans seront fauchés,
    Par la pestilence emportés.
     
    Pour trop de braves gens, ce fléau
    Deviendra le plus sûr des tombeaux.
    Coutils pleins de choux et de poireaux,
    Pour les morts feront tristes caveaux.
    Le mal terrible et pernicieux
    Décime des foyers bienheureux,
    Déferle et partout ravage,
    En foudroyant sur son passage
    Les habitants de nos villages,
    Fauchant

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