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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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nous y attendait. Le saint roi Louis, neuvième du nom, aimait rendre la justice à Vincennes, sous un chêne. Le seigneur de Beynac, premier baron du Pierregord, sire de Commarque et d’autres lieux, préférait la salle des Gardes. Les chênes ne faisaient point défaut en la comté. Mais le cadre de la salle tapissée d’écus aux armes de ses ancêtres était plus martial.
     
    Entre-temps, le baron avait rejoint Michel de Ferregaye, le capitaine d’armes, Georges Laguionie, le maître des engins, et tous les maîtres en second, comme il les nommait. Étaient également présents les chevaliers bannerets Foulques de Montfort et Guillaume de Saint-Maur, le chevalier bachelier Raymond de Carsac et les quatre nouveaux écuyers que le baron avait soldés en sa maison pendant notre voyage en terre d’Orient.
    Les sourcils en bataille, relevés aux extrémités, parcoururent l’assistance et ses yeux se portèrent sur chacun de nous. Se tournant vers le chef du guet, le baron lui posa la question qui brûlait nos lèvres :
    « Gontran, pourquoi as-tu fait sonner le tocsin ? » Blême, le chef du guet répondit d’une voix sourde :
    « Par Saint-Prix, j’ai cru bien faire ! Vos consignes étaient clairement établies : en cas de doute sur un risque d’epydemie alentour, sonner le tocsin ! N’auriez-vous point vu, messire baron, l’état noirâtre et purulent de ces vilains qui ont tenté de forcer nos portes ? »
    Le baron ne manifesta aucune émotion apparente. Mais moi qui le connaissais bien, j’observai quelques signes d’un grand émoi. Des narines qui se dilatèrent, puis se pincèrent. Un léger tremblement des lèvres. Des mâchoires qui se serrèrent. Une veine-artère qui, sur son cou, battit plus rapidement.
    Son visage naturellement hâlé par le soleil de juillet, vira subitement au gris. Autant de manifestations, auraient dit les mires, s’ils avaient été de vrais médecins, qui trahissaient le choc qu’il venait d’encaisser et qu’il ne put me cacher.
    Il jeta un regard appuyé sur Foulques, sur Arnaud et s’attarda sur moi : nous redoutions tous les trois ce moment fatal depuis notre retour des terres d’Orient, depuis que nous avions embarqué dans le port de Famagouste, en l’île de Chypre.
     
    Nous avions miraculeusement survécu à l’epydemie qui avait emporté la moitié de l’équipage de la Santa Rosa et ceux des deux autres nefs, la Santa Elisa et la Santa Lucia, avec qui nous avions navigué de conserve. Avant de débarquer en le port de Marseille, la veille des calendes de janvier, le 31 décembre 1347.
    Nous avions fait escale en la ville de Gênes pour charger et décharger de nombreuses marchandises. Les jaugeurs-jurés s’étaient présentés à bord pour estimer et vérifier la teneur et le poids de la cargaison avant sa mise en vente. Ils avaient découvert, en grande colère, que les équipages étaient affreusement contaminés et sans remède.
    Ils avaient aussitôt interdit d’entrer en contact avec nous, de peur de risquer la mort, et nous avaient ordonné de prendre le large incontinent. Nous l’avions fait avant l’heure prévue pour éviter les jets de pierre que nous lançaient les manouvriers des magasins portuaires et les flèches enflammées que nous décochaient les archers lorsqu’ils avaient vu l’état pestilenciel de plusieurs membres de nos équipages.
     
    Le baron reprit l’interrogatoire :
    « Quelles raisons te font-elles craindre quelque nouvelle epydemie ?
    — Le rapport de mes guetteurs, messire baron !
    — Réponds-tu de leur jugement ?
    — Hélas oui, messire baron.
    — Parle. Parle vite ! »
    Et Gontran de narrer avec moult détails le rapport que lui avaient fait ceux qui observaient depuis quelques heures des mouvements inhabituels sur la plaine située de l’autre côté de la rivière entre le Mont-de-Domme et le village de Castelnaud-la-Chapelle : malgré la chaleur écrasante, des gens couraient en tous sens avant de disparaître à l’intérieur de leurs masures. Ici et là, des fosses communes avaient été creusées et des bûchers improvisés avaient été dressés à la hâte. Une fumée noire s’en dégageait, mais l’odeur écœurante des chairs calcinées ne pouvait pas nous parvenir en l’absence du moindre souffle d’air.
    Plusieurs messagers, à qui l’entrée de la première enceinte de notre village avait fort heureusement été refusée, précisèrent que les pauvres gens

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