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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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châtelaine des Mirandes,
    Tous les jours, et me poursuivait et me hantait
    Au point d ’ oublier aumônes et prébendes.
    Dans mes songes, dans mes illusions, chaque nuit
    Je vivais belles, douces et grandes folies,
    Mais à l’aurore, tristement, il ne restait
    Que simples chimères auxquelles je croyais.
     
    Sais-tu pourtant, mon inconnue, mon petit cœur,
    Que chaque jour, à toute heure pour mon malheur,
    Ton très beau et grave visage ressurgit
    Et me trouble comme un ange qui sourit ?
    Qui es-tu donc, damoiselle de Guirande,
    Pour fuir mon cœur de lys et mes offrandes ?
    Je vois tes armes écartelées en sautoir,
    Mais crains de les aimer sans jamais les revoir.
    Prêchant mieux que nos curés, le vrai et le faux,
    J’ai battu la campagne par monts et par vaux,
    Pour trouver et baiser la main de ce héraut
    Dont la science a su reconnaître ton sceau.
     
    J’ai franchi l’enceinte des basses-cours
    Chaque jour, dans tout le pays et alentour
    À la recherche de ce troublant visage
    Qui ne saurait être un simple mirage.
    J’ai lancé mes braques à couleur de sable
    À la quête de mon Graal ou d’une fable,
    Pour l’amour que portait un écuyer servant
    Aux armes coupées d’azur à trois lys d’argent,
    À sa douce mie, la fleur de sa vie.
     
    Aucune parmi les personnes présentes ne souleva d’objection. Le seigneur de Beynac poursuivit, la voix plus douce :
    « Je sais ce qu’il en coûte pour plusieurs d’entre vous. Je ne sais si vous reverrez vos parents, vos femmes ou vos enfants. C’est grand sacrifice que je vous demande. Mais il y va de votre vie, de notre survie et de la leur. Si l’un d’entre nous approchait par malheur une seule personne atteinte de cette pernicieuse maladie, pire que la lèpre ou que la guerre, nous passerions certainement de vie à trépas avant huitaine.
    « Courage mes amis. Prions pour que nos familles soient épargnées par ce fléau. Que Dieu nous garde et les sauvegarde ! » Georges Laguionie, le maître des engins, se permit une question :
    « Messire, pendant combien de temps devrons-nous garder quarantaine ? Pendant quarante jours et quarante nuits ? » Le baron, peu averti des choses de cette terrible maladie, lui répondit d’une voix sourde :
    « Pendant peut-être plus de temps, mon ami. Je ne sais. »
    Je parcourus la salle du regard. Mes compains d’armes en furent encore plus effondrés. La peur leur étreignit le cœur et leur saisit les tripes. Elle suintait de tous les pores de la peau et se lisait sur leurs visages.
    Nous savions que la forteresse ne disposait pas de puits, mais seulement d’une grande citerne alimentée par l’eau du ciel. Nous n’étions que fin juin. Pas un nuage à l’horizon. Le spectre de la soif et de la famine dressa sa hideuse silhouette devant chacun de nous. Le baron dut deviner leurs arrière-pensées, car il tenta de les rassurer :
    « Je vais faire établir un décompte exhaustif de nos vivres et de nos réserves. Je crains en effet que les registres ne soient parfaitement à jour. » Puis, il s’adressa à moi :
    — Oui, messire ?
    — Dans quelques instants, tu iras quérir Jules Faucheux et veilleras à faire établir un comptage précis de tous nos vivres et du nombre de personnes dorénavant cloîtrées à l’intérieur des enceintes. Le clerc en donnera lecture, demain avant basses-vêpres, en la salle des cuisines.
    « Et vous, messire Foulques, veuillez prier Michel de Ferregaye de se joindre à nous, en votre présence. »
    Je m’apprêtai à m’élancer lorsque le baron m’apostropha :
    « Brachet ! J’ai dit dans quelques instants ! » Je fis volte-face. La grande salle me parut soudain plus petite. Personne ne pipa mot, mais tous les regards se fixèrent sur moi. Le sang me monta à la tête sans empourprer mes joues. Je les affrontai du regard. D’aucuns baissèrent les yeux. Le baron reprit enfin la parole, après un bref silence qui me sembla durer un siècle :
    « Mes fidèles serviteurs, le combat que nous devons livrer est plus sournois que ceux auxquels nous sommes préparés. Invoquons la grâce du Seigneur et la fidélité à notre roi. »
    Je me surpris moi-même en m’écriant alors, d’une voix forte et puissante : « Montjoie ! Saint-Denis ! Vive Philippe ! Vive Beynac ! » Dans un premier temps, personne ne réagit. Ils étaient cloués au sol, la bouche ouverte, muets comme des carpes. Un frisson me parcourut de la tête aux

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