La Marque du Temple
Longueville en brandissant sa hache.
Le jeune loup croyait avoir échappé à son destin. Mais le piège qu’un autre loup lui avait tendu se refermait inexorablement sur lui.
Sans qu’il puisse seulement l’imaginer. Tant il était diabolique .
PREMIÈRE PARTIE La conspiration du silence
Périgord printemps – été 1348
Le lion de Némée, ou le signe du Lion dans la constellation du zodiaque.
Le premier des douze travaux d’Héraclès
Chapitre 1
À Commarque, à deux jours des calendes de septembre, puis trois mois plus tôt, à Beynac, en l’an de grâce MCCCXLVIII, à VIII jours des calendes de juillet {iii} , jour de la vigile de Saint-Jean-Baptiste et le lendemain de ce jour.
Le précieux codex que je tenais en main en ce jour de la Saint-Michel 1348, recélait un incroyable secret. Il contenait un parchemin caché à l’intérieur de la couverture à ais de bois. Le sens du texte était apparemment incompréhensible. Son étude approfondie avait cependant retenu toute mon attention pour moult raisons dramatiques, liées aux tragiques événements qui étaient survenus depuis trois ans.
Mais ces événements n’étaient rien à côté du terrible fléau qui s’abattait depuis lors sur la comté du Pierregord, sur le royaume de France et sur d’autres royaumes encore. Et pourtant, ils trouvaient tous leurs racines, celles du Mal, dans les profondeurs les plus obscures de notre histoire militaire et religieuse.
Seul, un initié fort bien instruit aurait pu tenter de percer cette fascinante énigme, rédigée par une main savante sur un bout de parchemin. Je l’avais découvert plié et glissé dans l’épaisseur de la couverture du codex :
C’est en approchant par mégarde le parchemin d’une chandelle, qu’étaient apparus une date, quatre paraphes, le sceau et le contre-sceau de l’Ordre du Temple de Salomon, dissous depuis près de quarante ans :
Fait en l’an de grâce MCCCVII, à IIII jours des nones d’octobre {iv}
Fr. J. M . (Jacques de Molay, grand-maître du Temple ?)
Fr. G.C. (Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie ?)
Fr. H. P. (Hugues de Peyraud, visiteur général de France ?)
Fr. X. Y. (Illisible, peut-être le précepteur d’Aquitaine ?)
Sans doute avaient-ils été apposés sur le mystérieux document avec une encre invisible, peut-être un simple jus de citrus. Le procédé m’en était connu. La chaleur dégagée par la flamme en avait révélé l’existence en brunissant les caractères. La forme rotunda des lettres utilisées pour rédiger cette étrange énigme me laissait penser que le document n’était point apocryphe : cette écriture était maintes fois prescrite par les frères du Temple depuis la fondation de l’Ordre pour la rédaction de manuscrits d’études et de traités juridiques.
Grand savant, moi, Bertrand Brachet de Born, premier écuyer du tout puissant baron de Beynac, je ne l’étais assurément point. Et sans aucun doute, n’aurais-je jamais tenté de pénétrer les secrets de ce texte étrange si je n’avais pas été, à mon corps défendant, entraîné dans un jeu d’intrigues et de complots pour avoir aperçu en songe, par une nuit d’hiver de l’an de grâce 1345, une gente damoiselle, Isabeau de Guirande.
En tentant avec acharnement de faire sa connaissance, persuadé dans ma naïveté qu’elle vivait en ce monde, j’avais sans le savoir soulevé le couvercle de la boîte de Pandore et déchaîné les puissances du Mal.
Ces derniers jours encore, on avait opposé à ma quête du Graal et à mon enquête, une véritable conspiration du silence. Mes recherches avaient été jalonnées de tentatives de meurtre, de complots, de félonie et de crimes ignobles.
Le Mal noir, la Bête immonde à la face hideuse, rôdait autour de nous depuis plus de trois ans, entraînant dans son sillage, criminels et innocents. Je devais poursuivre mes investigations et trancher les têtes de l’Hydre de Lerne.
Le jour de la Saint-Jean-Baptiste, à huit jours des calendes de juillet, soit le 23 juin, trois mois plus tôt, en l’an de disgrâce 1348, la Bête nous avait saisi la main avant de hisser sa voile vers Parques.
Ce jour-là, l’air était irrespirable. Le ciel était voilé, plus blanc que bleu. Des ondes de chaleur se réfléchissaient sur les pierres du logis seigneurial, sur les remparts de la forteresse et au loin, dans la
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