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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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anti-civiques.
    « 12º Ceux qui sont reconnus pour avoir été de mauvaise foi, partisans de La Fayette, et ceux qui ont marché au pas de charge au Champ de Mars. »
    – Eh bien ! demanda Carrier après avoir achevé sa lecture, et en rejetant la feuille imprimée sur le bureau. Eh bien ! tu as entendu ? Dis-moi maintenant qui est, ou plutôt qui n’est pas suspect en France ? Est-ce qu’avec cela on ne peut pas faire incarcérer tous les citoyens, depuis le premier jusqu’au dernier ? J’ai le champ libre, et si la Convention me tracassait jamais, je saurais lui répondre. Donc, je vais donner mes ordres, ou mieux encore, tu les donneras toi-même. Tu me plais, citoyen. Tu as l’air d’un bon patriote, d’un rusé compère. Puisque cet imbécile de Pinard s’est laissé enlever, veux-tu sa place ?
    – La place de Pinard ?
    – Oui.
    – En quoi consistait-elle ?
    – Dans l’inspection des prisons d’abord. Dans le commandement de la compagnie Marat. Dans la rédaction des ordres et des décrets qu’il me donnait à signer.
    – C’est tout ?
    – Oui. Ne trouves-tu pas que cela soit assez ? Pinard avait toute ma confiance.
    – Et tu la reporteras sur moi ?
    – Je te le promets.
    – Alors, marché conclu, j’accepte. Donne-moi des signatures en blanc et je te réponds du reste.
    – Tu veilleras à la sûreté de ma personne ?
    – À mon tour, je te le promets.
    Et Carrier, attirant à lui cinq ou six feuilles de papier aux en-têtes républicains, y apposa sa signature au bas. Fougueray s’en empara en déguisant la joie qu’il éprouvait sous une apparence calme. Les blancs-seings de Carrier lui assuraient le succès de ses plans en lui aplanissant tous les obstacles.
    – Rentre au salon si bon te semble, dit-il ; moi, je me charge des ordres à donner et de leur exécution.
    Carrier fit un geste d’assentiment, ouvrit une porte voisine et sortit. On entendait le bruit confus de l’orgie qui avait atteint l’apogée de sa fureur et de son cynisme.
    Carrier fit sa rentrée au milieu du tumulte en se frottant les mains et en lançant à droite et à gauche des regards de jubilation. Le proconsul était enchanté d’avoir trouvé, sans plus chercher, un remplaçant au sans-culotte enlevé par les royalistes. Pinard épargnait à son patron une grande partie de la besogne journalière et ne lui laissait que les plaisirs du métier. Or, Carrier, sensuel et paresseux, s’était parfaitement arrangé de cette existence qui allait être continuée, grâce à la bonne volonté de Fougueray.
    Puis, une autre pensée avait poussé le représentant à se fier à l’envoyé du Comité de salut public, dont il était loin de suspecter les pouvoirs. Fougueray lui avait paru bien autrement délié que Pinard, bien autrement apte à remplir la caisse proconsulaire à laquelle, du premier coup, il allait apporter deux millions. Enfin, l’intérêt personnel liait Fougueray à Carrier, et l’ancien procureur regardait ce lien comme bien autrement sérieux que ceux formés par l’amitié ou par une opinion commune.
    – Je partage l’affaire du marquis, disait le proconsul, mais il partage, lui, les rançons et les autres bénéfices ; or, le chiffre de ces rançons peut et doit être énorme, s’il agit adroitement ; donc il a intérêt à protéger ma vie, donc il est l’homme qu’il me fallait. Je ne me suis pas fâché, au reste, que Pinard soit au diable ! D’ailleurs, que celui-ci me donne les millions en question, après, nous verrons bien !
    Et Carrier alla rejoindre Hermosa et Angélique qui l’attendaient. Fougueray, demeuré seul, se leva vivement et fit quelques tours dans la pièce. L’expression de sa physionomie avait changé subitement depuis quelques minutes ; de soucieuse et inquiète, elle était devenue joyeuse et hautaine. Revenu en face du bureau, il se laissa tomber dans un fauteuil, et, frappant le meuble du plat de sa main droite :
    – Victoire ! s’écria-t-il, victoire ! Décidément, la soirée est bonne ! Je me croyais près de ma perte, et la position devient plus belle que jamais ! Mes espérances se changent en certitudes ! Les difficultés disparaissent. Pinard me gênait ; Marcof m’en débarrasse ! Merci, Marcof ! tu ne croyais pas si bien me servir ! J’ai entre les mains la tranquillité de la ville, toutes les forces dont elle dispose, et les moyens d’atteindre mes ennemis là où ils sont. Cela

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