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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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la corde de la lanterne qui éclairait l’entrée de la demeure du proconsul. L’homme menacé d’un genre de supplice qui était alors de mode pour les petits coupables et le menu des aristocrates, n’était autre que maître Nicoud.
    Voici ce qui s’était passé : On se rappelle que Pinard avait donné l’ordre au cabaretier d’entrer dans le poste et d’y attendre son retour, sous peine de se voir incarcérer. Or, être incarcéré signifiait tout simplement être guillotiné, fusillé ou noyé. Donc maître Nicoud s’était empressé d’obéir, et le malheureux avait une telle confiance dans les promesses du lieutenant, qu’il ne se serait pas avisé de bouger de place, se fût-il agi de tout l’or des mines du Pérou. (La Californie, et l’Australie n’ayant pas encore été inventées en l’an de grâce 1793).
    Nicoud connaissait presque tous les sans-culottes, qui étaient devenus ses pratiques quotidiennes depuis les noyades, le cabaret étant situé à proximité du fleuve, et l’opération attirant fort en cet endroit messieurs de la compagnie Marat. Maître Nicoud avait donc passé les deux premières heures assez agréablement, causant, riant, plaisantant, et se prêtant aux bons mots d’un goût assez équivoque que ses clients se permettaient assez familièrement à son endroit.
    On sait, pendant ce temps, ce qui s’accomplissait dans la maison du quai de la Loire. Après l’enlèvement de Pinard, et la boucherie que les royalistes avaient faite des sans-culottes, les sept ou huit survivants avaient pris la fuite en se dispersant dans le verger. Le premier moment de terreur passé, la honte d’avoir été battus par deux hommes, ou plutôt par un seul homme, car Marcof avait lutté presque seul ; la honte, disons-nous, rallia les fuyards. D’un commun accord ils revinrent à la charge. Mais ils ne trouvèrent plus d’ennemis, et, grâce à la précaution qu’avait prise Keinec d’envelopper de foin les sabots des chevaux, ils ne purent même pas découvrir la direction par laquelle s’étaient élancés les royalistes. Ils parcoururent en vain la maison, jurant, sacrant, maudissant, sans même se soucier de porter secours aux blessés qui criaient et aux mourants qui râlaient. Enfin, bien convaincus qu’ils ne pouvaient venger leur défaite, les misérables se réunirent pour tenir conseil.
    Que fallait-il faire ? était la grande question que l’on se renvoyait de bouche en bouche. La position en effet était difficile.
    Ils ne pouvaient se dissimuler que, de toute façon, il fallait en arriver à prévenir Carrier. De plus, il était fort évident que le proconsul ferait massacrer sans pitié celui ou ceux qui lui annonceraient la triste nouvelle que trois royalistes avaient tué plus de vingt sans-culottes, avaient enlevé son lieutenant, et n’avaient pas reçu la moindre égratignure. La délibération fut bruyante. Enfin, l’on arrêta, faute d’une décision meilleure, qu’il fallait de toute nécessité aller rendre compte à Carrier de ce qui s’était passé, et l’avertir de la disparition de Pinard. En conséquence, les sans-culottes se mirent en route, décidés à se présenter en corps et ayant l’intention de faire monter avec eux une partie de ceux de leurs compagnons qu’ils trouveraient au poste de la maison du proconsul. C’était l’exécution de ce projet arrêté qui avait mis le malheureux Nicoud dans la position où nous l’avons laissé.
    Lorsqu’en entrant dans le corps-de-garde, les patriotes trouvèrent le cabaretier dans l’auberge duquel vingt des leurs venaient d’être massacrés, ils l’avaient accusé de complicité avec les royalistes. Nicoud avait voulu protester, et il essaya même d’un discours destiné à prouver la blancheur de sa conscience et son innocence de toute participation aux crimes qui venaient d’être commis ; mais on avait étouffé ses paroles sous des vociférations effrayantes. Les cris de : « À mort le traître ! À la lanterne l’aristocrate ! » retentirent de toutes parts.
    Les sans-culottes songeaient qu’en sacrifiant Nicoud, ils auraient une sorte de vengeance à présenter à Carrier, et ils avaient résolu de pendre le malheureux cabaretier avant d’affronter la colère du maître. L’aubergiste se débattait sous les poignets de fer qui le poussaient au dehors, protestant plus que jamais et essayant en vain d’attendrir ses bourreaux. C’étaient ces cris, ce bruit, ces

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