La Marquise de Pompadour
très pressée.)
Alors, il ferma le mystérieux placard, ouvrit la porte du cabinet, tira les rideaux, souffla le flambeau qu’il avait allumé, et, passant dans une sorte de salle à manger très modeste, il frappa sur un timbre.
Un homme parut, vêtu comme un domestique de bourgeois médiocre.
M. Jacques lui remit la lettre qu’il venait d’écrire, et d’une voix brève prononça :
– Un courrier à l’instant pour ceci. En toute hâte, baron, entendez-vous ?
L’homme s’inclina profondément et dit :
– Bien, monseigneur !…
M. Jacques, après la sortie de ce domestique, auquel il donnait le titre de baron, s’assit dans un mauvais fauteuil, croisa ses jambes l’une sur l’autre, ferma les yeux et parut se livrer aux douceurs d’un innocent sommeil.
Il était environ huit heures du soir lorsque le comte du Barry fut introduit.
– Eh bien, mon cher comte, demanda aussitôt M. Jacques, ce mariage ?
– C’est fait, comme vous avez pu voir. Je sors de l’hôtel d’Etioles. Je crois que nous avons là un rude adversaire.
– Et la petite ?…
– Jeanne Poisson ? Elle se comporte admirablement.
– Oui, c’est une vaillante, fit lentement M. Jacques. Là est le danger pour nous. Quel malheur que je ne sois pas tombé tout de suite sur une fille pareille !…
Et encore !… Non… elle aime trop le roi… elle n’eût pas fait mon affaire…
– Notre affaire, voulez-vous dire ! fit railleusement le comte.
M. Jacques lui jeta le regard de dédain de l’homme supérieur. Mais il sourit aussitôt, et reprit :
– C’est ce que je voulais dire, comte… Mais, voyons, que pensez-vous de la situation présente ?
– Je pense, dit du Barry en pâlissant de fureur, que ce d’Etioles est le plus redoutable des intrigants, et que s’il se met en travers de ma route, je le tuerai !…
– Tuez-le, si cela vous fait plaisir, dit froidement M. Jacques. En attendant, il faut absolument empêcher la petite Poisson… pardon : M me d’Etioles, d’arriver jusqu’au roi. Vous comprenez ? Absolument, il le faut !…
– Et le moyen ! gronda du Barry. Le roi en est féru. Le roi l’a vue à la clairière de l’Ermitage où d’Etioles et la Poisson avaient amené la petite. Elle a produit son effet ! Le roi a été se promener sous ses fenêtres comme un jouvenceau amoureux ! Le roi s’est mis à son balcon du Louvre pour la voir sortir de l’église. Tout le monde à la cour dit que c’est une grande passion qui commence ! Il fallait voir d’Etioles aujourd’hui ! Tous nos courtisans étaient là, tâchant déjà d’attirer un regard de cette petite !… Et ce d’Etioles… si vous aviez vu le regard de triomphe qu’il m’a jeté !…
– Oui… mais elle !… Elle ne se doute de rien encore ! Elle ne sait pas !… Je vous le dis ; il ne faut pas que M me d’Etioles et le roi se parlent une seule fois !…
– Le moyen ? répéta du Barry.
– Le moyen ? fit lentement M. Jacques, c’est de mettre dans le cœur de la petite d’Etioles un autre amour… une autre passion !… Supposez un jeune cavalier beau, brave, hardi, intelligent, et par-dessus tout amoureux, mais amoureux d’une de ces passions fougueuses auxquelles les femmes ne résistent pas !… Nous prenons le jeune homme, nous l’amenons chez la d’Etioles, et nous lui disons : Fais-toi aimer !…
– Très bien ! fit du Barry. La difficulté ne serait donc que de trouver… Oh ! dans mon entourage, je connais vingt gentilshommes capables de jouer ce rôle.
– Vous n’y êtes pas : il ne s’agit pas d’un rôle à jouer ! Il s’agit de trouver un gentilhomme tel que je vous l’ai dépeint et qui, réellement, sincèrement, aime assez la petite d’Etioles pour s’en faire aimer…
– Je chercherai, dit du Barry.
– Ne cherchez pas : le jeune homme en question est tout trouvé. Et il est tel que, dans les circonstances présentes, je n’eusse jamais espéré en trouver un pareil.
– Et c’est ?… fit du Barry non sans une secrète inquiétude et une sorte de jalousie contre cet inconnu qui pouvait diminuer sa propre situation déjà si précaire.
– Comment appelez-vous le jeune homme que vous avez fait arrêter ce matin ? demanda brusquement M. Jacques.
Du Barry bondit.
– Celui-là !… gronda-t-il. Ah ! jamais !…
– Ne dites donc pas de sottise, mon cher comte, fit doucement M. Jacques.
– C’est mon
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