Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
Vom Netzwerk:
n’être qu’un pion sur un vaste échiquier. Un pion qui se lançait dans un mouvement bien hardi...

 
    CHAPITRE IX
    Ils gagnèrent le coeur du quartier Saint-Marcel. Varencourt marchait rapidement, obligeant Margont à s’aligner sur son pas, lui saisissait régulièrement le bras pour lui faire prendre une ruelle latérale avant de bifurquer une nouvelle fois. Margont était perdu, mais n’osait pas poser de questions. Une porte s’ouvrit sur leur droite et ils s’engouffrèrent dans une maison. Il n’y avait pas de lumière et Margont eut l’impression d’être avalé par la gueule enténébrée d’un Léviathan. Sa silhouette, en revanche, s’était détachée dans l’encadrement de la porte, éclairée à contre-jour par une lampe à huile. Quelqu’un bondit sur lui par derrière et lui plaça un couteau sous la gorge. De la main gauche, son agresseur lui saisit le poignet droit pour l’empêcher de tenter de se dégager ou de saisir une arme. La porte fut refermée.
    — Vous êtes un espion, monsieur, dit quelqu’un devant lui.
    La peur rongeait Margont, qui attendait vainement qu’une chandelle soit allumée.
    — Notre ami M. de Varencourt nous a parlé de vous, mais, en vérité, il l’a reconnu lui-même, il ne vous connaît quasiment pas, reprit l’inconnu. Nous allons donc vous poser quelques questions. En fonction de vos réponses, nous verrons si nous vous laissons la vie sauve...
    Cette voix grave était celle d’un homme habitué à commander. Intonations, rythme, phrasé : elle s’imposait à vous, vous déstabilisait, vous laissait entendre qu’elle débusquerait vos mensonges. Les mots qu’elle prononçait vous perçaient de part en part.
    — Je n’y vois rien... balbutia Margont.
    — Tu y verras encore moins bien quand je t’aurai coupé la gorge, lui murmura celui qui le maîtrisait.
    — Vous dites que vous possédez une imprimerie...
    — C’est la vérité !
    — C’est justement cela le problème, c’est que c’est la vérité. Le Tyran est malin, il tient bien en main tout ce qui se publie. Vous prétendez être des nôtres et vous avez accès à une imprimerie ? Ces lieux sont surveillés par la direction de l’imprimerie et de la librairie, mais aussi par la préfecture de police. Certains policiers s’occupent même exclusivement des imprimeries, des livres et des journaux ! Et vous, vous les bernez tous ? Absurde ! Nous vous avons fait suivre. J’avoue que ce fut difficile. Vous avez effectivement vos entrées dans une imprimerie, Le Liseron, ce qui prouve que vous bénéficiez de l’aide de la police...
    Margont se demanda si Charles de Varencourt l’avait vendu. Mais il était trop tard pour s’interroger à ce sujet. Il ne pouvait plus reculer, il devait se lancer dans l’interprétation de son rôle. Avec brio !
    — Si Napoléon prend tant de...
    — Bonaparte ! Le sacre de 1804 n’a aucune légitimité ! Napoléon n’existe pas !
    — Soit... Si Bonaparte prend tant de soin à se protéger du côté des écrits, cela signifie que c’est son point faible. C’est donc justement là qu’il faut frapper ! C’est un ami duelliste qui m’a enseigné cette façon de combattre...
    — Que voulez-vous dire ?
    — Je ne mets pas en doute le talent militaire de Bonaparte. Il sera difficile de le vaincre sur le champ de bataille. Sauf s’il n’a plus d’armée ! Il faut convaincre les Français de l’abandonner.
    — Intéressant. Mais vous ne répondez pas à ma question.
    L’obscurité était si profonde que l’on ne distinguait même pas les silhouettes. Impossible pour Margont d’ajuster son discours aux expressions du visage, à l’attitude de ses interlocuteurs. Il devait se fier à cette voix aux intonations ironiques, trop sûre d’elle, arrogante, dominatrice. Il était au bord d’une falaise ; on allait le précipiter dans le vide. Mais, chez lui, l’instinct de survie avait toujours été exacerbé. Même avec une lame placée sur la gorge, il s’obstinait à faire face.
    — Pendant quelques années, j’ai servi dans la Grande Armée. Bien d’autres gentilshommes l’ont fait ! À la suite d’une blessure, j’ai dû retourner à la vie civile. J’ai alors effectué maintes démarches pour obtenir l’autorisation d’acquérir une imprimerie. Comme je m’étais illustré durant la campagne de Russie, plusieurs officiers ont témoigné en ma faveur. Ma ténacité face à

Weitere Kostenlose Bücher