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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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sourire narquois à Leaume, le provoquant plus encore. Il se réjouissait avec ostentation d’avoir amené le vicomte à se mettre en colère, et son attitude mettait mal à l’aise ses compagnons. Leaume choisit de l’ignorer. Margont se demanda si la rivalité pour le pouvoir suffisait à elle seule à expliquer l’animosité qui régnait entre ces deux hommes. D’ailleurs, Jean-Baptiste de Châtel avait toujours une manière étrange de fixer le vicomte d’un regard appuyé, insistant. Leaume se tourna vers Margont.
    — Que voulez-vous en échange de votre aide ?
    — Le plus possible. Faire partie des membres dirigeants des Épées du Roi.
    — Il faut être parmi nous depuis plus de deux mois et avoir accompli un acte prouvant sa loyauté.
    — Manquer de me faire égorger pour vous rencontrer, voilà une preuve de ma loyauté ! Quant à vos deux mois, je n’ai pas la patience d’attendre et, de toute façon, nous ne les avons pas. Le sort de la guerre va se jouer dans les semaines qui viennent. Si mon offre ne vous intéresse pas, peu importe. Il existe bien d’autres organisations royalistes : la Congrégation, les Chevaliers de la Foi, les Amis de l’Ordre... Le roi récompensera les meneurs : je vais donc devenir l’un d’entre eux, avec ou sans vous.
    — Nous avons des règles, monsieur.
    — Je n’en doute pas. Mais vous n’êtes pas le genre d’homme à vous embarrasser avec elles.
    Ce fut d’un oeil nouveau que Louis de Leaume se mit à le regarder.
    — Vous êtes bien perspicace... Les gens perspicaces sont dangereux, parce qu’ils ne se contentent pas des mensonges qui tranquillisent tout un chacun. Pourquoi souhaitez-vous intégrer notre groupe ? Les Chevaliers de la Foi, par exemple, sont plus connus : pourquoi ne vous êtes-vous pas adressé à eux en premier lieu ?
    — Ils sont trop nombreux. Je serais noyé dans la masse, on ne m’écouterait guère, je demeurerais un pion de deuxième ordre et il n’en est pas question ! Admettez-moi au sommet, parmi vous, et mon imprimerie pèsera lourd dans le succès de vos projets. À vous de décider. C’est maintenant que l’on va voir si vous êtes vraiment l’homme d’action que vous prétendez être !
    — Je vous accepte parmi nous, effectivement comme membre dirigeant. J’en prends la responsabilité.
    Voulant renforcer sa position de chef, il avait pris cette décision sans demander l’avis des autres. Varencourt et honoré de Nolant, aux anges, serrèrent la main de Margont en signe de fraternité. Jean-Baptiste de Châtel se contenta de hocher la tête à son intention, avec réticence et froideur.
    — Puisque vous voilà des nôtres, il y a encore une personne que nous allons vous présenter, dit Louis de Leaume. Car tous les membres du comité directeur doivent se connaître. Il nous faut monter à l’étage.
    Dans les escaliers, Margont faillit trébucher. Blême, il reprit sa montée. Il venait de deviner pourquoi cet autre comploteur était demeuré là-haut tandis qu’on l’interrogeait : il ne voulait pas assister à son éventuelle exécution...

 
    CHAPITRE XI
    Dépourvue de mobilier, glacée et sans âme, la pièce n’était pas habitée. Cette réunion nocturne constituerait son seul moment de vie. Elle serait abandonnée aussitôt après, étape éphémère d’un cache-cache épuisant dans Paris.
    Une femme y accueillit Margont, soulagée de voir que les événements avaient pris cette tournure. Elle avait quarante ans ou un peu plus. Elle était belle. Mais ses longs cheveux étaient tirés en un chignon passé de mode ; aucun fard ne mettait son visage en valeur ; elle ne portait pas de bijoux ; sa robe était terne... Margont songea qu’elle paraissait dissimuler sa beauté. Cette dernière lui avait-elle attiré un jour quelque malheur ?
    Son regard était d’une intensité rare. Ses yeux bleus vous transperçaient l’âme, vous sondaient, cherchant à débusquer votre vérité intérieure. Pour Margont, c’était une épreuve semblable à une brûlure, comme si ses mensonges se consumaient dans son âme.
    — Chevalier Quentin de Langés, annonça-t-il en s’inclinant pour fuir ce regard inquisiteur.
    — Mademoiselle Catherine de Saltonges. Vous voilà donc parmi nous. Nous vous prenions pour un espion...
    Le ton ironique de cette dernière phrase laissait entendre qu’elle ne lui accordait pas sa confiance.
    — M. de Langés est un ancien soldat et il possède

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