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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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je ne suis pas parvenu à repérer sa trace dans Paris. Donc ce Leaume connaît bien la capitale !
    — Si c’est lui l’assassin, on comprend pourquoi il a laissé le symbole de son groupe sur place. Si tu les avais vus tergiverser à mon sujet... Il serait bien du genre à trancher dans le vif en les obligeant tous à passer à l’action. Mais pourquoi le feu ?
    — On a voulu lui trancher la tête, il brûle les visages... Et puis, je suis d’accord avec vous : quand on ressort d’un charnier, on ne doit plus avoir les idées tout à fait en place...
    — Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai seulement souligné le fait que ce genre d’épreuve vous change...
    — En tout cas, méfiez-vous de lui. Parce que, s’il apprend qui vous êtes en réalité... Sa pitié, il a dû la laisser à la fosse commune. Voilà tout ce que j’ai appris sur lui.
    — Tu n’as aucun renseignement sur son séjour à Londres ?
    — Non. Tous nos suspects vivent plus ou moins dans le secret, alors les données sont incomplètes...
    — Elles sont à leur image : de simples silhouettes que l’on a tout juste le temps d’apercevoir avant qu’elles ne disparaissent à nouveau dans l’ombre. Parle-moi de Charles de Varencourt.
    — Sur lui également, on ne connaît presque rien de son passé. Il est né en 1773, du côté de Rouen. Sa famille appartenait à la noblesse normande. On n’en sait pas plus. En 1792, il a émigré en Angleterre. Après, on n’a guère d’éléments. Il prétend avoir vécu à Londres. En janvier 1814, il a contacté la police pour lui proposer de vendre des informations. Comme il se méfiait de la Police générale, il s’est d’emblée adressé à la police personnelle de Joseph. Il connaissait les noms de certains de ses membres, puisque les royalistes se renseignent sur ceux qui les traquent. Ces agents ont accepté son offre. Il a dû leur fournir divers documents le concernant. Il leur a montré son passeport, qui stipule qu’il est revenu en France en 1802.
    — Ah, la grande amnistie du 6 floréal an X. Comme pour moi...
    — Tout à fait. Et, vous le savez, il est connu qu’un grand nombre de ces passeports, vu la corruption, ont été délivrés à des royalistes qui sont en réalité revenus en France beaucoup plus tard. Comme Varencourt n’a rien raconté de tangible au sujet de ce qu’il a fait en France entre 1802 et 1814 – il dit qu’il a voyagé dans le pays, qu’il gagnait sa vie en jouant aux cartes... – , il est possible que les documents qu’il a donnés soient faux. C’est ce que soupçonne la police. En tout cas, grâce à ce passeport en règle qui « prouve » qu’il a été amnistié de son crime d’émigration, il vit tranquillement chez lui, alors que Louis de Leaume, Honoré de Nolant et Jean-Baptiste de Châtel sont pourchassés et passent leur temps à changer de logement.
    — Bien. Qu’as-tu découvert sur le Charles de Varencourt d’aujourd’hui ?
    — Je le fais surveiller, comme convenu, par deux personnes qui se relaient jour et nuit. Je suis retourné voir Natai. Si vous aviez vu sa tête quand je lui ai demandé cent francs pour payer mes hommes.
    — Cent francs ? Tu y vas fort... Tu te sers au passage, n’est-ce pas ?
    — Vous ne m’avez pas compris quand j’ai dit : Si vous aviez vu sa tête. Elle avait ceci d’extraordinaire qu’elle est demeurée tout à fait ordinaire. Natai trouvait normal ce montant et il m’a payé aussitôt, en échange d’un simple bon que j’ai signé du nom de Gage, le pseudonyme que j’emploie quand je le rencontre ! Cela fait des mois que les soldats ne touchent plus leurs soldes. Mais n’importe quel espion engagé depuis moins de dix jours repart avec cent francs ! Presque cinq mois de solde de sergent !
    — Fernand, bon sang ! Les Épées du Roi risquent de finir par te repérer. Si tu as tant d’argent sur toi, ils comprendront immédiatement de quoi il retourne !
    — Ne vous inquiétez pas, tout est déjà dépensé. Cupide, mais pas fou. J’ai payé mes hommes – il y en a quatre en tout, car il y a aussi ceux qui sont chargés de Catherine de Saltonges – et j’ai fait un cadeau à une amie.
    Son sourire était désarmant. Margont, dont l’esprit était en permanence agité par ses projets et ses idéaux, enviait parfois à son ami cette façon d’aborder la vie de manière désinvolte.
    — Revenons à Charles de Varencourt, reprit Lefine.

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