Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
Vom Netzwerk:
hôte a tenu à lui faire savoir qu’il distribuerait personnellement les cartes...
    — D’autres joueurs sont arrivés. Un vieil aristocrate au visage fardé de blanc, avec une horrible mouche au menton et une perruque poudrée. On aurait juré qu’il s’était endormi par mégarde à Versailles, y avait sommeillé pendant vingt ans et s’était réveillé tout à coup en se demandant où diable étaient passés Louis XVI, la Cour, les gardes suisses... Ensuite, il y a eu un capitaine de la garde nationale qui faisait tinter ses pièces dans sa paume. Enfin, deux bourgeois, qui sont arrivés ensemble, en se vantant de leurs succès lors des parties précédentes.
    — Ils devaient penser que cette attitude allait leur porter bonheur. Un peu comme s’ils disaient à la chance : « Vous vous souvenez de nous, n’est-ce pas ? Nous avons passé de si bons moments ensemble, la dernière fois... » Superstitions !
    — M’est avis que ce sont tous des joueurs bien malades ! Je me suis renseigné sur le propriétaire. Le comte de Barrelle. Noblesse d’Empire. Il a soixante-treize ans et ne quitte plus son domicile. Varencourt en est sorti trois heures plus tard, la mine sombre. Pas aigri ni en colère. Plutôt désespéré. Je suis sûr qu’il a tout perdu... Il est rentré chez lui et a veillé tard. Toute la rue a fini par être plongée dans l’obscurité, excepté la fenêtre de sa chambre qu’illuminait encore une chandelle.
    — À quoi ressemble son logement ?
    — Une mansarde qu’il loue. Si petite qu’on dirait un pigeonnier.
    — Moi aussi, je suis logé comme un pigeon. Comment peut-il supporter cela alors qu’il a le choix ? Avec ces sommes folles que lui verse la police !
    — Il préfère jouer. Et, pendant ce temps, les soldats ne touchent pas leur solde !
    — Tout a gelé durant la retraite de Russie... Revenons à Charles de Varencourt. Pourquoi est-il possédé par le démon du jeu ?
    — Parce qu’il faut une raison ?
    — Pas toujours. Mais parfois. Si c’était lui l’assassin, pourquoi le feu ? Il y a trop de vides, trop de manques dans ce que nous apprenons sur nos suspects. Le temps nousfait défaut et, pourtant, nous ne devons pas échouer ! La situation va déjà bien assez mal comme ça.
    Ses yeux revinrent à la butte Montmartre. Depuis cette hauteur, on dominait la capitale. C’était la clé de Paris ! Si l’ennemi s’en emparait, il y placerait des canons de gros calibre et pourrait bombarder la ville. Elle aurait dû grouiller de soldats du génie en train d’édifier des redoutes, de même que le cône d’une fourmilière menacée se couvre de fourmis. Même chose sur les hauteurs de Saint-Germain, de la Villette, des Buttes-Chaumont et de Nogent-sur-Marne. De 1809 à 1810, Wellington, le commandant en chef des troupes britanniques opérant dans la péninsule Ibérique, avait fait ériger des fortifications à Torres Vedras, pour protéger Lisbonne. Margont les avait vues de ses propres yeux. Des fossés, des avant-fossés, des pièges, des bastions qui se couvraient les uns les autres, des retranchements qui flanquaient les assaillants, des fortins... Plus d’une centaine de redoutes et quatre cent cinquante canons, tout cela sur trois lignes successives ! Une triple ligne de défense, trois poings dressés qui faisaient signe aux Français de s’arrêter ! Lorsque le maréchal Masséna était arrivé devant elles, avec ses soixante mille hommes, il s’était effectivement immobilisé net. Avec son état-major, il avait passé des jours entiers à chercher un moyen d’assaillir cette frontière. Il était arrivé à la conclusion... que c’était impossible, et avait alors ordonné la retraite. Wellington avait triomphé sans avoir à combattre, parce qu’il avait si bien préparé cette bataille qu’il avait fini par la remporter avant même qu’elle ne commence ! Voilà ce qu’il aurait fallu faire ! Ceinturer Paris d’une triple ligne de défense à la Torres Vedras et faire de Montmartre une Grande Redoute, pire encore que celle de la bataille de la Moskova ! Mais, au lieu de cela, la seule activité provenait des premiers papillons qui batifolaient autour des cinq moulins de la butte.
    — J’ai appris des choses étonnantes sur Mlle de Saltonges, reprit Lefine. Oh, j’imagine mal qu’une femme ait le cran de brûler le visage d’un cadavre, mais...
    Margont éclata de rire. Un rire déroutant, désespéré, qui

Weitere Kostenlose Bücher