Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
pour les couvreurs.
    — Nierez-vous que je sois défiguré ? Il y a quand même eu cinq morts et des centaines de blessés ! Les arbres étaient arrachés, des voitures ont été transportées d’une rue à l’autre ! Des platanes qui tournoient comme des toupies, voyagent par les airs et sont projetés chez les gens via les fenêtres, merci ! Sans compter les bateaux des blanchisseuses dont les débris agressaient les parapets. J’étais persuadé que ces phénomènes n’arrivaient que dans les romans de Gustave Aimard 15 .
    — Preuve est faite qu’ils surviennent également dans ceux de Paul Bourget. Le Dr Encausse 16 augure que les volontés réunies en faisceaux des millions de Parisiens sont susceptibles de produire une tornade, répliqua Victor.
    — Ce Papus est un âne ! Mais ce n’est pas pour discuter de lui que je suis ici. Avez-vous enfin mes monographies de Chevreul 17  ?
    Victor implora du ciel un secours qui se manifesta sous l’apparence de la concierge de l’immeuble attenant. Mais elle était en proie à un tel courroux qu’il douta d’avoir été exaucé.
    — C’est votre faute ! C’est à cause de vous qu’ils se sont rencontrés !
    — Bienvenue, madame Ballu. Qui, « ils » ? Elle mâchonna un bonjour peu amène à l’égard des deux hommes.
    — Cette brocanteuse qui appâte mon cousin avec ses médailles militaires, Alexandrine Piote, vous n’allez quand même pas jurer vos grands dieux qu’vous la connaissez pas ? Une poissarde à la tignasse rouge !
    Coincé entre M. Mendole, goguenard, et Mme Ballu, outrée, Victor se rencogna contre la cheminée et prit le buste de Molière à témoin de son innocence.
    — Ça, c’est un comble ! tonna Micheline Ballu. Alphonse m’a raconté qu’un jour qu’il traînait ses basques à la salle des ventes, vous vous étiez entremis entre cette Piote et lui ! Du coup, elle a pigé qu’il était prêt à se saigner à blanc pour d’la ferblanterie, et elle lui a collé des décorations appartenant au gendre du président Jules Grévy, qui arrondissait ses fins de mois en les négociant sous le manteau !
    — Ce fut certes un trafic scandaleux, mais c’est de l’histoire ancienne, constata M. Mendole.
    — Votre cousin a largement dépassé l’âge de la dépendance, libre à lui de dépenser son argent à sa guise, rétorqua Victor.
    — Les médailles, je parierais qu’elles sont fausses. Mais le pire, c’est que cette femme s’ingénie à l’enjôler.
    — Je ne suis pas responsable des incartades de votre cousin. Et puis, comment affirmer qu’ils se fréquentent ?
    — Primo, cette Alexandrine Piote a attiré Alphonse en dehors de chez lui avant-hier. Deuzio, il n’est pas retourné dormir dans la pension où il réside. Tertio… je me fie à mon intuition !
    Exaspéré, Victor leva les yeux au ciel, sans discerner un Kenji aux paupières gonflées se faufilant de l’escalier à l’arrière-boutique, où il décida de se confiner jusqu’à ce que les fâcheux débarrassent le plancher. Près de lui, l’armoire où il abritait les objets exotiques glanés au cours de ses voyages sollicita son attention. Entre une aiguille de tatouage et une calebasse enrichie de dessins géométriques se dressait un paquet oblong enveloppé de papier de soie. Il le prit et le dépiauta, ému de découvrir une lavallière pervenche à laquelle un mot était fixé par une épingle :
    Un rempart contre les frimas, mon aimé.
    Bien qu’elle n’eût pas signé, il identifia l’écriture de Djina. Une joie enfantine l’envahit, il enfouit son visage dans le tissu.
    — Oh ! J’ n’ambitionne pas de rivaliser avec cette Henriette Couedon qui se prétend inspirée par l’archange Gabriel et avait annoncé la tornade, moi j’me contente d’avoir du flair quand il est question des hommes Tenez, la fois où feu mon Onésime méditait de roucouler avec la bonniche du deuxième qui s’évertuait à l’entortiller quand il sortait les poubelles, j’l’ ai consigné deux jours à la maison ! éructa Mme Ballu.
    — Qu’attendez-vous de moi ? Que je mette votre cousin au pain sec et à l’eau ?
    — Ben déjà, si vous couriez vous informer rue Drouot, c’est votre métier d’acheter des livres…
    — Monsieur Legris, vous n’avez pas répondu au sujet des monographies, je suppose qu’il s’en débite, là-bas, hasarda M. Mendole.
    — Parfait, puisque j’ai deux bonnes raisons d’y

Weitere Kostenlose Bücher